Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/321

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Le port de Charleston est bien défendu par le fort Moultrie, dans l’île Sullivan, le fort Sumter, dans l’île Morris, et les forts Castle-Pinckney et Ripley. C’est dans le fort Sumter que le général Anderson, qui commandait en 1860 au nom du gouvernement fédéral, se retira avec sa petite garnison, lorsque les Caroliniens se révoltèrent le 20 décembre ; bombardé par les habitants, il fut obligé de capituler le 13 avril 1861, et dès lors Charleston fut occupée par l’armée sécessionniste jusqu’au 17 février 1865, jour où le général franc-maçon Beauregard, qui avait pris parti pour les esclavagistes, dut l’évacuer.

Parmi les monuments actuels de la ville, il faut citer encore l’Hôtel-de-Ville, qui est, ma foi, un édifice imposant, avec son double escalier de marbre par lequel on y monte, et l’église protestante de Saint-Michel (appartenant à la secte des épiscopaux), dont la haute et belle tour s’aperçoit de loin en mer et offre une vue magnifique sur le pays.

Mais ce qui est surtout remarquable, c’est l’aspect général, qui, sans être positivement enchanteur, est loin d’être déplaisant. Les maisons, pour la plupart en brique, et quelques-unes en brique et pierre mêlées, comme à Toulouse, sont coquettes, entourées d’arbres, parées de plantes grimpantes et de fleurs ; ce qui frappe, au premier coup d’œil en arrivant, c’est cette végétation à moitié tropicale et d’une richesse inouïe. Les rues sont larges, droites, bordées d’arbres vigoureux, splendides. De la Battery, qui est la promenade populaire, on a une vue très étendue sur la rade, et cette promenade est entourée de villas charmantes, belles résidences particulières, dont un certain nombre sont somptueuses. Puis, c’est le pont de fer sur l’Ashley, qui donne accès aux superbes plantations dont les deux rives de cette rivière sont couvertes.

De l’animation, il n’en manque pas à Charleston ; elle est la principale ville commerciale de la Caroline du Sud, il ne faut pas l’oublier. Son commerce avec les États-Unis, les Indes occidentales et l’Europe, atteint annuellement cent millions pour l’importation et trois cent millions pour l’exportation. Les marchés et le Market-Hall offrent, à l’étranger, sous le rapport du mouvement, une des vues les plus caractéristiques que l’on puisse rencontrer. Mais, je le répète, si animée que soit la ville, l’impression qui vous en reste, lorsque vous la quittez, n’est pas celle-là ; c’est l’aspect de la nature verdoyante et fleurie qui domine tout dans votre esprit. Vous partez en songeant au jardin de West-Point, à tous ces squares, que l’on compare forcément aux rachitiques jardins publics de la ville de Paris, dont nos bons badauds boulevardiers qui n’ont rien vu sont si fiers.

Tenez, prenons, par exemple, le cimetière de Charleston. Tout le monde sait ce que c’est qu’un campo-santo italien ; ceux de Milan, de Gênes, de Pise, surtout, sont renommés ; ces froids asiles de la mort sont