Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut aussi, pour avoir l’état des lieux complètement exact, transporter derrière l’édifice même la maison qui sert à masquer l’entrée des sœurs. Elle n’est pas à côté, comme on la voit sur le plan tracé par le docteur Mackey ; elle est sur le derrière et communique avec le parvis de l’Adoption par un couloir latéral, passant au sous-sol sous la galerie Sainte-Hypathie, puis tournant à gauche, et se terminant par un escalier, que les sœurs ont à gravir pour parvenir à leur temple, tandis que les frères (du moins ceux qui le peuvent en vertu de leur grade) y viennent de plein pied par le parvis du 1er  tuilage, qui est à gauche de la galerie des Statues.

Du reste, je reviendrai, dans un instant, sur tous les détails de cet Important édifice, vers lequel tous les lucifériens du monde entier dirigent constamment leur pensée ; car c’est là, dans la salle triangulaire aux murailles d’une extrême épaisseur, c’est là, dans cette salle appelée le Sanctum Regnum et devant le Baphomet original, c’est là que Satan en personne paraît une fois par semaine, à heure fixe, le vendredi.

Pour l’instant, le lecteur attend avec impatience que je lui présente Albert Pike. Je vais donc m’occuper de l’anti-pape, d’abord, et de l’organisation créée par lui, ensuite ; ce n’est qu’après que j’expliquerai l’immeuble et l’usage de ses principales salles.


Le jour où je vis Albert Pike pour la première fois, c’était donc le 10 mars 1881. J’étais allé faire d’abord la connaissance du docteur Gallatin Mackey, mon confrère en médecine, dont la résidence était fixée à Charleston, tandis que le chef suprême habitait Washington. Nous allâmes attendre celui-ci à la gare.

Il arriva, accompagné de sa fille, mademoiselle Liliana Pike. Nous étions plus de cinquante personnes au débarcadère. C’est là que je connus Sophie Walder, dite Sophia, alors dans sa dix-huitième année à peine ; en l’absence de son père, qui était encore en Europe, elle habitait chez le frère Jonathan Chambers, qui n’était pas encore membre du Sérénissime Grand Collège, mais à qui la première place vacante était promise. Il y avait aussi le frère Henri Buist qui se prit d’une belle amitié pour moi et qui d’ailleurs, question de satanisme à part, était un parfait gentleman : Henri Buist est bien connu du Suprême Conseil de Paris ; c’est lui qui fut chargé, par Albert Pike, en 1884, d’une importante mission en Europe, et qui réconcilie le Suprême Conseil de France avec le Suprême Directoire Dogmatique ; car il y avait eu une brouille légère à propos d’un corps maçonnique que Pike avait constitué aux îles Sandwich et qu’Emmanuel Arago ne voulait pas reconnaître. Henri Buist et moi, nous avons donc été bons camarades ; je lui étais