Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/340

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Il ne serait pas mauvais peut-être de dire ici quelques mots de l’homme qui a si longtemps secondé le grand chef occulte de la franc-maçonnerie universelle. Tous les renseignements que j’ai recueillis sur lui, je les tiens de Cresponi et des Walder.

Gallatin Mackey est né à Charleston le 11 mars 1807, et il est mort à Fortress-Montroë le 20 juin 1881. C’est au collège de la Caroline du Sud qu’il a pris ses grades de médecin ; celui de docteur lui fut conféré en 1832. Il exerça, toute sa vie, dans sa ville natale. Cependant, à partir de 1844, il se consacra plus exclusivement à l’étude des sciences occultes. Sa marotte consistait à s’imaginer que l’âme de Jacques Molay avait émigré en lui, sous prétexte qu’il était né le jour même où le grand maitre des Templiers subit, quatre cent quatre-vingt treize ans auparavant, son supplice, — son martyre, disent les francs-maçons. — Je vais dire depuis quand il eut cette idée et par qui elle lui fut suggérée.

Voici ce que le docteur Mackey racontait, d’après ce qui lui avait été dit plus tard par ses parents, affirmait-il :

À l’âge d’un an, au premier anniversaire de sa naissance, c’est-à-dire le 11 mars 1808, il se mit à prononcer un mot, un seul, mot incompréhensible pour ceux qui l’entendirent, mais sur lequel ils ne purent se méprendre, attendu qu’il ne cessa de le répéter pendant tout le cours de la journée.

D’après sa prononciation, ce mot était celui-ci : Mura. L’enfant ne fit que dire, du matin au soir : — Mura ! mura ! mura !

Personne, autour de lui, ne comprit ce qu’il voulait ; mais chacun demeura frappé de cette bizarrerie, d’autant plus que l’enfant criait ce mot étrange comme avec des éclats d’une joie extrême.

Lorsqu’il eut achevé sa onzième année, soit le 11 mars 1818, le jeune Gallatin fut, tout à coup, pris de faiblesse, dans la journée. Il tomba assoupi, d’abord ; son corps prit une immobilité complète, puis une effrayante rigidité ; ou le crut mort ; le cœur ne battait plus. Au bout d’une heure seulement, il revint à lui ; en se réveillant, il expliqua qu’il lui avait semblé que son âme l’abandonnait.

Ce phénomène se renouvela, dès lors, régulièrement, chaque année, le 11 mars.

En 1848, à l’issue de la guerre du Mexique, le docteur Mackey se lia intimement avec Albert Pike. Or, comme un jour il racontait à l’auteur d’Ariel ce qui vient d’être dit, celui-ci lui déclara que ce devait être là le signe de quelque grande chose et qu’il consulterait à ce sujet un de ses esprits familiers.

Le lendemain, Pike disait à Gallatin Mackey :

— Mon cher ami, vous êtes prédestiné. Vous possédez en vous l’âme