Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/345

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Tennessee, en 1866, c’est-à-dire un an après la fin de la guerre de la Sécession.

Là, il exerça, comme dans l’Arkansas, sa profession d’avocat. L’année suivante, il entreprit, comme éditeur, la publication du Memphis Appeal. Puis, en 1868, il vendit ses droits d’éditeur et alla s’établir définitivement à Washington, où il plaida et donna des consultations jusqu’en 1880, époque exacte à laquelle il abandonna la pratique du droit.

C’est en 1866 que se place une curieuse entrevue, ayant marqué comme le point de départ des relations entre Albert Pike et les Walder.

Philéas Walder revenait alors d’une de ses missions faites en Europe pour le compte du mormonisme, et dont la première eut lieu en 1862. J’ai dit que l’ex-pasteur, dès la naissance de sa fille, la prit avec lui[1] ; l’enfant, pourvue d’une bonne nourrice allemande, fut emmenée par son père immédiatement à New-York, où Walder avait un ami dévoué, Jonathan Chambers, qui était en quelque sorte pour lui ce que Mackey était pour Pike. La seule différence est que Pike et Mackey avaient à peu près le même âge, tandis que Chambers, un des disciples de Walder, est bien plus jeune que l’ex-pasteur.

L’enfant fut élevée à New-York dans la famille Chambers, son père étant toujours par monts et par vaux. Mme Zoé Chambers, aujourd’hui décédée, était une Française ; c’est par elle que la jeune Sophie apprit notre langue.

Or donc, en 1866, Philéas Walder était à New-York, revenant de France, où il avait eu de longs entretiens avec l’ex-abbé Constant, prêtre apostat, bien connu des occultistes sous le nom d’Eliphas Lévi. Il avait à se rendre d’abord à Philadelphie. De son côté, Albert Pike était de passage à New-York, allant pour affaires à Boston, sa ville natale. À cette époque, Pike cherchait à attirer Chambers sous la bannière de l’écossisme ; celui-ci, ainsi que Walder, appartenait alors au rite de Royale Arche, dans les hauts grades, cela va sans dire.

C’est en cette circonstance, chez sir Jonathan Chambers, que Pike et Walder firent connaissance, dans une réunion intime qui comprenait une vingtaine d’amis, tous francs-maçons s’occupant d’occultisme. Il y avait là huit ou neuf Français, de la colonie de New-York.

On était en octobre ; la petite Sophie avait trois ans passés.

Walder et Chambers, qui se livraient à diverses œuvres de magie,

  1. Mlle Sophie Walder a protesté publiquement, dans une lettre que plusieurs journaux ont reproduite, contre la version qui représente son père comme l’ayant ravie à sa mère, version fort répandue, du reste, et dont je me suis borné à me faire l’écho. À l’en croire, elle aurait été orpheline dès sa naissance, c’est-à-dire que sa mère serait morte en lui donnant le jour.
    Dont acte.
    (Note de l’auteur.)