Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/36

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moi tenu à l’écart. Les alchimistes semblent avoir fait leur temps ; du moins, n’en ai-je pas rencontré au cours de mes recherches. Je me bornerai donc à dire que la théorie particulière de l’alchimie se nomme la « science hermétique », et que le but des initiés est double : il s’agit de découvrir la pierre philosophale, c’est-à-dire une substance destinée à transformer en or les métaux non précieux, et de découvrir aussi l’or potable ou élixir de longue vie, c’est-à-dire une liqueur merveilleuse destinée à prolonger indéfiniment la vie humaine ou tout au moins à rendre à la vieillesse les facultés de l’âge viril.

Cette alchimie de la vieille école, qui courait jadis à la poursuite de la pierre philosophale et de l’or potable, a été remplacée, chez quelques adeptes de l’occultisme contemporain, par une chimie criminelle, qui compte, parmi ses produits, la Manna di San Nicola di Barri, un toxique infernal à l’usage des sociétés secrètes. Ces fabricants spécialistes, dont aucune police n’a réussi à trouver l’officine, — on la dit aux environs de Naples, — ces cabalistes démoniaques, qui sont des malfaiteurs de la pire espèce, distillent et mélangent, dans leur abominable laboratoire, digne de Canidie et de Locuste, le virus des maladies contagieuses, le venin des reptiles et le suc des plantes malfaisantes ; ils empruntent au fungus son humeur vireuse et narcotique, au datura-stramonium ses principes asphyxiants, au pêcher et au laurier-amande ce poison dont une seule goutte sur la langue, dans l’œil ou dans l’oreille renverse comme d’un coup de foudre et tue l’être humain le mieux constitué, le plus fort. Médée, la mégère Toflana, la Voisin, revivent en ces scélérats qui ont perfectionné l’art fameux dès empoisonneurs des xvie et xviie siècles : ils font cuire avec le suc blanc de la tithymale un lait dans lequel des vipères ont été préalablement noyées ; ils ont des affidés qui recueillent avec soin dans leurs voyages et leur rapportent la sève du mancenillier, le suc du manioc, les fruits mortels de Java ; ils pulvérisent le diamant et composent des mixtures hideuses avec des virus et des sécrétions innommables ; ils savent et enseignent aux exécuteurs des vengeances, ordonnées par les chefs inconnus, comment on empoisonne les plantes, comment tels animaux nourris de plantes empoisonnées prennent une chair malsaine et peuvent, lorsqu’ils servent à leur tour d’aliment aux victimes désignées, leur causer la mort sans que le poison laisse aucune trace.

Depuis longtemps déjà et bien avant les médecins, ils connaissaient les microbes et leurs toxines ; et depuis longtemps aussi, des laboratoires de bactériologie satanique fonctionnent, où se préparent les cultures de bacilles ou les solutions de leurs principes toxiques, qui, envoyées partout où il y a un crime à accomplir, jugé nécessaire par un hiérarque, donnent