Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/399

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grand nombre de récits sinon totalement imaginaires, du moins fortement exagérés. Mais, avec un homme de cette espèce, ou ne sait jamais à quoi s’en tenir au juste. Sa réputation d’occultiste avait franchi les portes des loges et des arrière-loges. Les indifférents eux-mêmes, ceux qui ne sont ni pour ni contre la franc-maçonnerie, savaient, par ouï-dire, qu’il se livrait à des pratiques lucifériennes. Cette renommée était telle que lorsqu’on parle de Pike à n’importe qui, aux États-Unis, on est sûr d’avoir, aujourd’hui encore, cette réponse ; « Le général Pike ? oui, je sais ; vous voulez dire le magicien de Charleston, le grand-prêtre d’une religion secrète où l’on adore le diable ? » Sur ce point, il n’y a chez personne aucune hésitation ; la pratique du satanisme par Albert Pike est de notoriété publique de l’autre côté de l’Océan.


Me voici arrivé maintenant à la description que j’ai promise du célèbre immeuble maçonnique, qui est, sur notre globe, le Vatican de Lucifer. Il s’agit du grand temple des rues King et Wentworth, de Charleston, dont le docteur Gallatin Mackey traça le plan, mais qu’il ne vit pas construire. Comme grand-secrétaire du Suprême Directoire Dogmatique et vice-président du Sérénissime Grand Collège, il fut remplacé, à l’inauguration (1883), par son neveu, l’ingénieur Albert-Georges Mackey, qui lui avait succédé en ces qualités dès le lendemain de sa mort, et qui devait plus tard, à la mort d’Albert Pike (2 avril 1891), être un des trois lieutenants entre qui fut partagée la succession maçonnique de l’organisateur du Palladisme ; c’est, en effet, Georges Mackey qui est aujourd’hui le souverain grand-maître du Palladium Réforme Nouveau et le Suprême Chef Dogmatique de la franc-maçonnerie universelle, tâche que les frères haut gradés déclarent trop lourde pour ses épaules, bien que cependant on ne lui ait pas donné, par surcroît, la succession de Pike au Directoire Central de Washington ni au Suprême Conseil du Rite Écossais (juridiction sud des États-Unis).

Pour saisir toute la portée des explications que je vais donner maintenant, le lecteur voudra bien remettre sous ses yeux le plan qui figure plus haut (page 297), en tenant compte des premières observations que j’ai faites (pages 318-319).

Une fois qu’on a franchi le vestibule d’entrée, qui, par des portes ménagées à droite et à gauche, donne accès dans les locaux réservés à l’administration et au logement des frères servants, on pénètre, par la grande porte du fond, seule ouverte aux affiliés, dans une vaste galerie de plus de 50 mètres de long sur 5 de large, nommée Galerie des Statues ou encore Galerie des Maçons Émérites. Là sont, en grand nombre, dans des niches disposées au milieu d’une double colonnade, les statues