Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/414

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rituel de Mage Élu, avait fait préparer une salle pour la première tenue à ce haut degré, encore en projet ; et, comme l’honneur de présider cette tenue revenait à Pike, le docteur Mackey avait donné l’ordre de transporter dans la nouvelle salle le grand fauteuil de chêne.

Les deux chefs se rendirent donc au temple maçonnique. S’enfermant eux seuls dans la salle en question, ils implorèrent à genoux le Dieu-Bon lui demandant de les protéger contre les maleachs, à qui Pike attribuait l’impossibilité où il se trouvait d’écrire le cinquième rituel.

Ils n’avaient pas plutôt terminé leur prière, que, levant les yeux et regardant le fauteuil de chêne, ils furent stupéfaits de constater que le bois s’était instantanément transformé en or. En outre, un registre, relié en maroquin grenat avec coins d’acier, était placé sur le fauteuil, et une forte odeur de soufre remplissait la salle. Ils se levèrent, s’approchèrent de la Chaise d’or, où ils remarquèrent gravé en creux l’hiéroglyphe bien connu d’eux et qui est la signature de Belzébuth ; ils prirent le registre et l’ouvrirent.

C’était le rituel de Mage Élu, écrit en belle ronde très lisible, à l’encre verte, par la main du premier lieutenant de Lucifer. Il était rédigé en latin suivi de sept traductions : en anglais, en espagnol, en français, en allemand, en portugais et en hollandais. À la fin, la signature de Baal-Zéboub s’étalait, en or rouge, si éclatante, qu’elle semblait flamboyer et que l’œil en la regardant, éprouvait un éblouissement.

La volonté du Dieu-Bon s’était ainsi manifestée nettement ; il ne fallait pas que le grade de Mage Élu fût composé par un humain, même luciférien inspiré par les esprits du feu.

Mais, ce n’était pas tout ; un autre prestige allait surprendre encore les deux chefs.

Pike et Mackey convoquèrent pour le lendemain cinq de leurs adeptes les plus sûrs, pour constituer avec eux le comité directif du premier Parfait Triangle, leur donner lecture du merveilleux rituel, et se déclarer tous les sept créés dès ce jour Mages Élus. Le Palladisme allait désormais fonctionner ; on était alors en novembre 1870.

Tous les sept furent exacts au rendez-vous ; à l’heure dite, ils s’enfermèrent dans la salle réservée à cette importante réunion. Autour de la Chaise d’or, on avait disposé six sièges.

Albert Pike vint pour s’asseoir dans le fauteuil présidentiel, afin de déclarer la séance ouverte ; mais, à peine était-il assis, qu’il fut violemment projeté en l’air, comme par un ressort d’une grande puissance. Il ne se fit cependant aucun mal.

Les assistants étaient vraiment intrigués ; le grand-maître, morfondu. Il se demandait si le Dieu-Bon ne le jugeait plus digne d’être son vicaire ;