Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/443

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Ce jour-là, au cours de la conversation, nous parlâmes de Victor-Emmanuel, choisi (à son insu, peut-être) par la haute maçonnerie pour être le roi de l’Italie unifiée, c’est-à-dire le roi de la Révolution, l’usurpateur du patrimoine de saint Pierre.

Pourquoi ce choix s’était-il arrêté sur le principicule piémontais ? pourquoi les sociétés secrètes lui avaient-elles livré, l’un après l’autre, tous les états italiens ?

Lemmi m’édifia complètement sur ce point.

Il sortit d’un de ses cartonniers un grand papier représentant un arbre généalogique, celui de la maison de Savoie, et me dit, en me le montrant :

— Victor-Emmanuel était le descendant direct de l’antipape Félix V. Il était donc marqué, désigné ; il était le seul prince italien prédestiné à nos yeux, puisque c’est le sang même d’un antipape qui coulait dans ses veines.

Je regardai ce papier avec curiosité. Lemmi promena son doigt sur l’arbre généalogique ; et rien ne me fut plus facile que de reconstituer ensuite chez moi les explications très précises qu’il me donna.

Je les reproduis ici ; chacun pourra vérifier :

« — La maison de Savoie remonte au saxon Berthold, qui, le premier de la famille, prit le titre de comte (1017). Quatre siècles s’écoulèrent entre cette époque et l’année où le dix-neuvième comte de Savoie, Amédée VIII le Pacifique, se proclame duc (1417). Amédée est donc le fondateur de la dynastie ducale, qui devait ensuite devenir maison royale.

« Le premier duc Amédée de Savoie, né en 1383, reçut la vraie lumière ; car tous les Templiers, nos ancêtres dans la sainte religion du Dieu-Bon, ne furent pas martyrisés, et beaucoup d’entre eux échappèrent à leurs infâmes persécuteurs. Mais, en ces temps atroces du moyen-âge, il fallait tenir la pure doctrine plus secrète que jamais. Le duc Amédée de Savoie était un zélé parmi les plus zélés. Pour offrir lui-même à notre Dieu le grand sacrifice de la vengeance mystique, il prit la grande et noble résolution d’obtenir le sacerdoce ennemi, ce sacerdoce institué en vertu du pacte conclu sur le Thabor entre Adonaï et le traître Jésus, ce sacerdoce qui permet à un homme d’incorporer le Dieu-Mauvais et son Christ dans ce que les sectaires adonaïtes appellent l’eucharistie, ce sacerdoce enfin grâce auquel, avec un peu d’habileté, nous tenons le Principe du Mal à notre discrétion. Amédée de Savoie remit donc le pouvoir à son fils aîné, entra dans les ordres, fut consacré prêtre adonaïte, et devint le célèbre abbé de Ripaille.

« Le prieuré de Ripaille a laissé dans l’histoire un nom impérissable.