Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/455

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Donc, Riboli défendit longtemps son Suprême Conseil de Turin contre les projets d’absorption du Grand Orient d’Italie, où, depuis 1885, Tamajo siégea, en vertu de la fusion du 21 janvier, mais en gardant toujours son titre de souverain grand-commandeur ; en d’autres termes, les loges et arrière-loges travaillant sous l’obédience du Suprême Conseil dissident de Rome s’étaient réunies au Grand-Orient, et là Tamajo était censé diriger les hauts grades, avec l’assistance du comte Pianciani, successeur de Mauro Macchi.

Pour venir à bout du docteur Riboli, il fallut que Lemmi appelât à son aide le chef suprême de Charleston ; il lui fit ressortir que lui seul pourrait obliger le Suprême Conseil de Turin à se fondre dans le Grand-Orient et Suprême Conseil de Rome, et que, l’Italie étant le théâtre de la grande lutte, il fallait l’union définitive de tous les adeptes de la maçonnerie ordinaire non secrète, sauf à réserver l’action spéciale des misraïmites s’occupant surtout de maçonnerie hermétique et cabalistique.

Albert Pike intervint alors, en novembre 1886, et le docteur Timoteo Riboli n’eut plus qu’à désarmer et à s’incliner devant l’autorité du Suprême Directoire Dogmatique ; sa démission le privant du droit fructueux de délivrer Patentes, Brefs, Diplômes et Constitutions, on le consola, au surplus, en lui versant une indemnité de 30,000 francs, fournis par la caisse centrale de l’ordre. Dans le bilan annuel de 1887, dressé par le Souverain Directoire Administratif de Berlin, ce versement figure, au budget des dépenses, chapitre des « frais exceptionnels », en un article ainsi libellé : « Suppression du Sup∴ Cons∴ d’Italie siégeant à Turin, indemnité extraordinaire attribuée au F∴ T. R. sur la proposition du F∴ A. L. et approuvée en comité secret du 28 février : 30,000 francs. »

L’arrangement définitif fut coloré de la façon suivante, pour éviter aux initiés incomplets la connaissance de ces tripotages : Adriano Lemmi, déjà grand-maitre au Grand Orient d’Italie, prit en outre le titre de souverain grand commandeur titulaire ; la fusion irrévocable des deux Suprêmes Conseils de Rome et de Turin devint officielle ; Tamajo et Riboli furent transformés en souverains grands commandeurs honoraires ad vitam. Riboli, qui venait de palper les 30,000 francs, mais qui ignorait que, deux ans auparavant, Tamajo en avait reçu 50,000, fit l’homme désintéressé, n’ayant en vue que l’unification de la maçonnerie italienne, et il notifia les faits accomplis à tous les Suprêmes Conseils du globe, en leur adressant une circulaire, reproduisant diverses pièces relatives à cette opération, dont deux signées par Tamajo et lui, et une signée par Lemmi[1]. La plus grande partie des maçons écossais jus-

  1. Voici les pièces dont il s’agit ; elles ont été publiées dans les bulletins officiels, mais impar-