Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/470

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nête homme me prescrit de n’indiquer à personne. Pessina, qui a constaté la disparition de Carbuccia de Naples, sait bien que celui-ci ne tombera pas dans un piège grossier, tendu sous les apparences d’une controverse quelconque entre le grand hiérophante et lui. Aussi, le très illustre chef misraïmite s’est-il cru bien à l’aise pour opposer d’avance un démenti à tout ce que le docteur Bataille publierait.

Mes lecteurs savent ce que valent les démentis maçonniques. Mais ce qui est mieux, c’est que Pessina, à mille lieues de se douter qu’il avait affaire à un véritable et complet initié ; ayant pénétré même dans le Sanctum Regnum, a apporté, tout en ayant soin de ne parler qu’à mots couverts, une nouvelle preuve de la suprématie du Palladisme. « Au-dessus de moi, dit-il, existe un Conseil Suprême auquel est donné le pouvoir de tout. » Eh ! oui, je le savais, cela, Giambattista, et ta lettre ne n’a rien appris. Je ne t’ai pas donné, mon bonhomme, et je ne te donnerai pas, dans tout le reste de mon ouvrage, plus d’importance que tu n’en as. Toi aussi, tu sers au recrutement des triangles ; mais tu n’en es pas le chef. Ce n’est pas à Naples, ni en Europe, qu’est le Conseil Suprême, auquel tu dois obéissance ; je l’ai fait connaître ce Conseil Suprême, qui se nomme le Sérénissime Grand Collège des Maçons Émérites, et il tient ses séances sous la présidence du souverain pontife de la maçonnerie universelle, à Charleston, siège du Suprême Directoire Dogmatique ; tu vois, mon pauvre ami, que j’en sais aussi long que toi.

Quant aux menaces de procès, on pense combien elles sont peu de nature à m’émouvoir. Pessina peut, quand il le voudra, déposer sa plainte entre les mains du procureur de la République ; il lui est loisible d’assigner le docteur Bataille et ses éditeurs ; l’assignation donnée à l’auteur d’un ouvrage est parfaitement valable, ce nom fût-il un pseudonyme ; et j’affirme à Pessina qu’il aura bien devant lui, à l’audience, l’auteur réel de cette publication. J’ajoute même que Pessina en sera pour ses frais. Cela, je le lui prédis, sans crainte de me tromper ; car je ne l’ai nullement calomnié. Je ne traite Pessina ni de voleur ni d’assassin. Il se peut que le jour vrai sous lequel je le montre ne lui soit pas très agréable ; mais, dans tout ce que je dis et ai à dire sur lui, il n’y a pas, au sens juridique du mot, les éléments d’une diffamation. N’importe, si Pessina a la démangeaison du papier timbré, qu’il ne se gêne pas ; son procès, je le souhaite de tout mon cœur ; ce n’est pas dans l’odieux que sombrera le grand hiérophante, en notre franc et gai Paris. Mais il n’y a pas que l’odieux pour tuer la franc-maçonnerie ; il y a aussi le ridicule qui est terrible, et tu y prêtes, ô Giambattista, à un degré plus haut encore que tous tes grades. Tes amis n’ont garde de te le laisser soupçonner ; moi, je suis sincère, Pessina, et je te le dis.