Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/471

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Il est un point sur lequel le grand hiérophante fait le modeste. Ce qu’a confessé Carbuccia, insinue le bon apôtre, il n’est nullement en son pouvoir, à lui, Pessina, de l’accomplir par aucun moyen ; ses facultés sont tant limitées !… Une telle déclaration est pour donner à entendre au public qu’il ne se livre pas aux pratiques de l’occultisme.

Ah ! Pessina, mon vieux frère, comme tu aurais été plus habile de laisser, le 27 décembre dernier, ta plume en repos !… Je parlerai de ton occultisme particulier, quand je traiterai la question des talismans diaboliques ; je reproduirai les neuf hiéroglyphes que tu portes toujours sur ta personne et a chacun desquels tu attribués une vertu particulière. Je décrirai ta grande robe de mage, ta mitre égyptienne, ta baguette magique et ta fameuse bouteille (Pessina sans la bouteille ne serait pas complet), que tu déclares t’être indispensable pour évoquer les esprits de Belzebuth, Astaroth et Beffabuc. Je donnerai même le texte de tes principales évocations.

Car Pessina, tout en étant soumis à Albert Pike, lui faisait en catamini une peu loyale concurrence sous le rapport des formules magiques. Pessina a voulu créer une magie, à lui, dont il vend les rituels, entièrement écrits de sa main ; et je vous réponds qu’il y a là des formules qui sont à mourir de rire. Seulement, la magie de Pessina se ressent du peu de science cabalistique de son inventeur ; aussi, le misraïmite qui lui achète ses rituels baroques ne peut s’en servir efficacement, lorsqu’il n’a pas, en outre, la complète initiation luciférienne, la seule permettant de mettre un peu d’ordre dans tout le chaos pessinesque.

Mais le grand hiérophante est convaincu, quand même, de la parfaite efficacité de ses formules ; il les vend consciencieusement, avec l’intime conviction que l’acheteur obtiendra des résultats inouïs. Lui-même, il opère conformément à ses règles. Il a jusqu’à des sirops et des pommades de sa composition, avec lesquels il se parfume selon qu’il évoque tel ou tel esprit. Il avoue, cependant, qu’il ne réussit pas chaque fois ; les esprits ne sont pas toujours bien disposés. Ainsi, par exemple, il n’a pas encore pu passer au travers d’un mur : il a, pourtant, tenté l’expérience dans toutes les conditions requises ; mais le mur, dans lequel il essayait d’entrer, s’est toujours obstiné à rester impénétrable.

Par contre, il a rarement des déboires quand il s’agit pour lui de faire un brin de causette avec Beffabuc ; ce Beffabuc se montre bon diable à son égard et ne tarde jamais de répondre a son appel. Beffabuc lui témoigne une réelle amitié. Il sort de la bouteille magique sous forme de vapeur ; prend bientôt corps, emprunte les traits d’un gracieux sylphe (esprit élémentaire de l’air), et s’assied familièrement sur les genoux de Pessina ; celui-ci l’interroge alors, et l’esprit répond volontiers à ses