Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas qui est unique, les conditions de diamètre et de longueur, et même d’espèce, ne sont pas obligatoires.

Tout bois qui provient d’un endroit décrié, tel que vieux cimetière abandonné, ou encore vieux bois de justice, guillotine, potence ou billot, anciennes boiseries de prison ou de bague, peuvent et doivent servir aux usages que nous savons. Mais il y a par-dessus tout un bois qui prime les autres, un bois que les lucifériens recherchent et emploient avec une préférence fanatique ; c’est le bois des églises (chaire, maître autel, stalles de chœur) des vieux monastères, des anciens couvents dont les religieux furent expropriés par la Révolution.

Il existe encore des vieilles abbayes occupées autrefois par des ordres monastiques qui ne se sont pas reconstitués, ou des abbayes qui n’ont pas été rachetées par leurs légitimes propriétaires, parce que le domaine qui en dépendait avait été morcelé lors de la vente des biens dits nationaux et parce que, pour une raison ou pour une autre, le rachat n’était plus possible ; les lucifériens recherchent ces couvents, ces abbayes, transformés aujourd’hui en châteaux ou en fermes, et, lorsqu’ils y découvrent de vieux bois, ils les achètent sous n’importe quel prétexte.

Enfin, parmi les bois adonaïtes, selon l’expression des sectaires, le nec plus ultra, c’est celui des calvaires ; rien n’attire la haine satanique comme ces grosses croix en bois que la piété des fidèles élève aux carrefours des grandes routes. Ces croix sont souvent brisées la nuit, parfois même complètement abattues, par des malfaiteurs irréligieux qui demeurent inconnus ; d’importants fragments de ces calvaires disparaissent, sont volés. Voilà l’explication de ces outrages au Divin Sauveur, outrages accompagnés de vol. Ces bois servent aux lucifériens. C’est une manière raffinée de profanation, de sacrilège, et rien, on le sait, ne peut être plus agréable à l’esprit du mal.

Je citerai, en particulier, comme ayant servi à cet abominable emploi, toute la boiserie de l’antique abbaye de Marbach ; cette importante abbaye, fondée à la fin du onzième siècle par des augustins, eut longtemps une prospérité éclatante ; quand la tourmente révolutionnaire eut accompli ses ravages, l’abbaye séculaire était à jamais ruinée ; aujourd’hui il n’en reste qu’une tour, des parties de chœur et quelques colonnes romanes du cloître. On peut voir ces augustes ruines près d’Eguisheim, patrie du saint pape Léon IX, sur la route de Strasbourg à Bâle. Mais ce qu’on ne sait pas, c’est que, dès les premiers moments, le pillage du monastère fut organisé et que les juifs cabalistes, qui de tout temps ont pullulé dans la Basse Alsace, raflèrent tout ce qu’ils purent. Lorsque Isaac Long établit le Suprême Conseil de Charleston, il possédait à profusion des bois et des métaux provenant de Marbach, boiseries de la cha-