Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/546

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boratoire porte le nom de deux des lettres de l’alphabet sacré du Ma gisme : il est le frère Athoïm-Olélath ; ce qui équivaut à « Alpha-Oméga ». Les autres portent les noms des vingt autres lettres du même alphabet ésotérique ; ils sont le frère Beïnthin, le frère Gomor, le frère Dinaïn, le frère Eni, le frère Ur, le frère Zaïn, le frère Hélétha, etc. En d’autres termes, ils n’ont plus de personnalité ; ils sont enregistrés jusqu’à leur mort et ne vivent que sous une lettre-matricule ; à leur décès, on leur trouve un remplaçant, qui est immatriculé sous la lettre du défunt et qui la porte à son tour, au lieu de son nom, au lieu même d’un sobriquet.

Ces toxicologues impersonnels sont, comme les ouvriers des forges et ateliers, assujettis à l’internement dans Gibraltar ; mais leurs cavernes particulières ont des annexes pour le logement, avec tout le confortable moderne. Ils constituent une sorte de communauté de criminels savants, si l’on peut s’exprimer ainsi, une congrégation diabolique à demi-cloîtrée. Tantôt l’un, tantôt l’autre vont se promener en ville, pour se donner l’illusion d’un simulacre de liberté, ou pour acheter des menus objets à leur caprice, des bagatelles, des fantaisies, linge et vêtement. Chacun a sa cellule, chambre coquette, d’un certain luxe, installée de façon à assurer à l’occupant toutes les aises, toutes les commodités.

On comprendra qu’au sujet des produits de ce laboratoire infernal je demeure très réservé. Athoïm-Olélath m’a montré un manuel, dont les formules ne peuvent être reproduites dans un ouvrage s’adressant à la masse du public.

Ah ! les empoisonneurs palladistes n’en sont plus, ainsi que je le disais en commençant ce chapitre, à la Manna di San Nicola di Bari. Ils obtiennent des poisons par des procédés d’une simplicité extrême ; telle chose qui est de l’usage le plus courant, et que je me garderai bien de nommer, mêlée à tel mets pendant sa cuisson, engendre un toxique terrible, qui foudroie la personne ayant absorbé quelques bouchées du plat, et cette personne succombe avec tous les symptômes d’une mort subite naturelle ; le médecin, appelé pour constater et pour faire sa déclaration, constatera et déclarera, par exemple, une hémorrhagie cérébrale, de la meilleure foi du monde : aucun soupçon ne sera possible, attendu que l’assassin, ayant avalé auparavant tel contre-poison du laboratoire palladique, se sera assis à la même table que sa victime et aura mangé du même plat impunément.

Ce que je dis là est uniquement pour donner un aperçu de la science abominable des mystérieux toxicologues de Gibraltar.

Il n’y a pas à en douter, la main de Satan est là, dans ces travaux exécrables, inspirant ces études d’une perversité sans nom. Toutes les