Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/57

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mit ses prières. Nous allâmes ensemble, un jour, au sanctuaire vénéré de la Bonne Mère de la Garde.

Je partis. Le dimanche même où le paquebot devait lever l’ancre, à neuf heures du matin, mon vieil ami vint me serrer une dernière fois la main à bord. En me quittant, il me remit une médaille indulgenciée et bénie, une médaille de saint Benoît.

— Portez toujours sur vous cette médaille, mon cher enfant, me dit-il ; n’oubliez jamais, chaque matin et chaque soir, de faire votre prière ; invoquez souvent la Sainte Vierge… Maintenant, je vous laisse sous la protection de Dieu.

Et nous nous embrassâmes ; le digne prêtre pleurait comme un enfant.




CHAPITRE III

La mort d’une prêtresse de Lucifer


Je fais grâce au lecteur d’une traversée de Marseille à Galle, des plus monotones, interrompue seulement en passant à Naples par une visite à l’illustrissime grand commandeur Peisina.

Il me fallut aller, en compagnie du souverain hiérophante, absorber des granite (boissons glacées) à un café de la via di Mezzocannone, endroit où il donnait d’ordinaire ses rendez-vous. C’est par là qu’a lieu chaque semaine le tirage de la loterie nationale : or, Peisina, qui a plusieurs cordes à son arc, débite aux gens du peuple des consultations à quinze centimes sur les numéros qui ont des chances de sortir. Ces quelques instants passés avec le chef suprême du rite de Memphis (pour l’Italie) me procurèrent l’occasion de faire la connaissance de Bovio, un des orateurs républicains renommés de la péninsule, aujourd’hui le leader de l’extrême-gauche au parlement. Bovio est un homme de taille moyenne, plutôt petit que grand, à longue barbe noire, toujours sanglé dans une étroite redingote. Peisina nous présenta l’un à l’autre. C’était aussi un frère, mais du rite écossais. Du reste, il ne fit qu’entrer et sortir, accompagné de cinq ou six membres de comités électoraux.

Bovio parti, nous causâmes occultisme. Je donnai au souverain hiérophante des nouvelles de Marseille. Pendant mon séjour dans la vieille cité phocéenne, j’avais visité une loge misraïmite, avec laquelle la maçonnerie napolitaine entretient de bonnes relations. Je dis à Peisina que, grâce à son diplôme, l’avais été reçu dans le temple avec tous les hon-