Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/588

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il croie pour le retenir. Sundström, professeur de sciences exactes, laborieux comme tel, mais en outre spirite inintelligent, doit être, au point de vue de la divinité, d’une incrédulité complète ; car il ne faut pas oublier qu’il est des spirites athées, et qu’on en trouve surtout parmi les mathématiciens.

« Imaginez un névropathe que le hasard des études ou celui des choses ait porté à des rêvasseries, un homme désillusionné par les incidents de la vie ou qui a subi des revers, aussitôt il cherchera une dérivation, tombera dans un des trous de son cerveau, et ne s’en relèvera plus. C’est un pseudo-médium-né.

« Et tout de suite aussi, et c’est là surtout ce qui est remarquable, son anatomie, son cerveau, ses muscles, ses nerfs, tout va lui servir, tout va contribuer à le tromper et le maintenir dans son erreur.

« Le jugement sombre dans le trou ; il va tout voir faux et s’halluciner de lui-même ; c’est de lui-même aussi que partira l’hallucination.

« Vous avez pu remarquer tout à l’heure Sundström. Tandis que Wilhelm Manuteuffel commettait la supercherie dans un but malhonnête et que le docteur Bataille s’amusait, Sundström, lui tout entier à l’œuvre entreprise, s’y consacrait tout entier.

« Vous avez remarqué cette contention cérébrale et nerveuse extrême, cette concentration de tout l’être sur un point ? Plus rien n’existait pour lui, entièrement obnubilé, plus aveugle que la vieille femme crédule dont je vous parlais il y a un instant. On aurait pu se livrer devant loi aux jongleries les plus improbables ; nul doute qu’il n’y eût ajouté la foi la plus absolue. En définitive, il s’est hypnotisé lui-même d’énervement et de fatigue, et la détente a eu lieu ; vous avez assisté à la crise finale.

« Tout cela s’est passé dans le trou de son cerveau et grâce à ce trou.

« Qui fera croire demain à cet homme que toute la séance d’aujourd’hui n’a été qu’une mystification ? Qui lui montrera comme imaginaires les faits auxquels il a assisté et dont il garde le souvenir, ne fût-ce que dans ses reins brisés et dans la fatigue, le surmènement qui l’accable ?

« Cet homme-là, je vous le demande, n’était-il pas né pour être médium du pseudo-spiritisme ? Vous avez été témoins de ce qui s’est passé pour lui et en lui ; et, je vous le demande aussi, de bonne foi, pouvez vous admettre un seul instant que le peresprit de Frédéric-le-Grand fût là réellement présent, pour le mettre en cet état, alors que mathématiquement, scientifiquement, vous avez assisté tout bonnement à une suggestion produite par la pensée fixe, dominante, et à toute l’évolution d’une crise d’hystéro-épilepsie témoignant de l’état du cerveau, état, je ne saurais trop y insister, absolument momentané et compatible avec