Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/610

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haut la reproduction très exacte de cette photographie (page 569).

À l’une des séances dont je viens de parler, je posai en moi-même cette question au Tcheun-Young :

— Vieux coquin de diable, toi qui prétends savoir l’avenir, dis-moi donc si j’épouserai mademoiselle Tsa-o ?

L’idole me regarda avec des yeux furibonds et me répondit à haute voix, en bon français :

— Elle n’est pas pour toi.

Et aussitôt l’urne aux parfums s’éteignit.

Le lecteur comprendra facilement que, même si le Tcheun-Young m’avait assuré que ce mariage projeté par le comprador de Canton s’accomplirait, il en serait advenu uniquement ce qui est arrivé ; car je ne suis certes pas homme à épouser une thian-niu.


Mais revenons à nos spirites européens ou américains de la 2e catégorie. Le cas d’Eusapia Paladino est loin d’être isolé, comme on va le voir ; et, quant à moi, c’est par centaines que je pourrais citer les exemples et les scènes de spiritisme de ce genre auxquelles j’ai assisté.

Pour ne pas fatiguer le lecteur, je n’en citerai qu’une ; mais elle est des plus concluantes. N’oublions pas qu’il s’agit de Vocates Procédants c’est-à-dire de gens adonnés au spiritisme, mais ne se doutant en aucune façon qu’ils ont affaire à des diables qui se mettent en frais de coquetterie pour eux, et qui, tôt ou tard, les mèneront droit au Palladisme, à Lucifer, c’est-à-dire à la damnation éternelle.

C’était à Montevideo, la capitale de la bande orientale de l’Uruguay. Le cargo-boat l’Ortégal, des Messageries maritimes, sur lequel j’étais alors, avait eu je ne sais plus quel retard. Bref, au lieu de partir, ainsi que c’est l’habitude, le soir pour Buenos-Ayres, afin de traverser l’estuaire de la Plata la nuit et d’arriver le matin à cette dernière ville, nous ne devions partir que le lendemain, à onze heures du matin. Question de marée aussi, paraît-il, autant qu’il m’en souvient, du moins.

Il faisait un temps superbe ; et bien que la distance à laquelle on mouille en rade de la ville soit encore assez considérable pour qu’il soit nécessaire de faire le service du bord à terre avec un petit vapeur, aussi bien quoique le temps devienne en ces parages assez vite mauvais, en quelques heures à peine, — de telle sorte qu’il est quelquefois extrêmement difficile, presque périlleux, de regagner le bord, — le baromètre était tellement haut et le temps si sûr, que j’eus l’autorisation de rester à terre le soir et de rentrer à bord le lendemain matin, si je voulais.

J’en profitai pour aller passer la soirée chez des passagères que j’avais eues à mon premier voyage dans ces régions, fait à bord de la Savoie, de