Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/614

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de trafic. Alors, comme d’ailleurs Montevideo n’intéresse pas la route de l’Inde, les Anglais ont lâché prise, après avoir quelque peu tiré l’oreille aux rastas.

En un mot, ce qui fait la force de ces gens, c’est précisément leur faiblesse. Ils n’existent pas, ne sont rien ; et là où il n’y a rien, tout le monde perd ses droits, même les Anglais, ce qui n’est pas peu dire. Tout le monde… sauf messire Lucifer ; car, de l’exposé que je viens de faire, le lecteur a facilement compris combien il doit être là chez lui et combien un des sept grands directoires de la maçonnerie universelle était tout indiqué là.

Un dernier mot caractérise le portenio fils du pays et rougissant de son père : il en arrive à parler de ce dernier en des termes que la plume ne peut proprement écrire ; et, si son père vit encore, il le traite honteusement, avec les qualificatifs les plus grossiers, les plus orduriers.

Mais je reviens à mes gens, que cette digression nécessaire, indispensable, nous a fait négliger un instant.

Il me faut tout d’abord les présenter au lecteur.

Le colonel X*** un grand gaillard, bâti en manière d’hercule, aux biceps saillants, à la peau jaune, avec une tête microscopique sur ce corps de géant, grands pieds, grandes mains, grand, gros, fort et bête, voilà son portrait, en résumé ; n’oublions pas un nez épaté de nègre, au-dessus de deux énormes moustaches de rufian : la brute inintelligente et passive, l’homme des pronunciamentos, des coups de main.

Mme  X***, une petite femme, boulotte, quarteronne d’origine, avec une tête de tzigane, paresseuse et gourmande ; avec cela, des prétentions littéraires et poétiques, quoique d’une ignorance crasse (elle ne savait pas écrire).

Puis, deux demoiselles, ravissantes d’extérieur toutes deux, malgré ou à cause peut-être de leur teint cuivré, de leurs grands yeux éclatants et langoureux ; ignorantes, elles aussi, comme des carpes, mais vaniteuses outre mesure, et d’une prétention qui dépassait toutes les bornes.

De religion, d’ailleurs, dans tout cela, point. Mais des superstitions à revendre : se méfiant du mauvais œil, croyant au corail comme antimaléficiateur, faisant les cornes au prêtre, etc., etc. En définitive, le nec-plus-ultra de la famille mal élevée, où règnent le désordre et la vanité.

L’argent roulait là, grand train, et sortait comme il entrait, facilement. La grosse situation du père lui permettait l’agio et les exactions et abus de pouvoir, qui sont la règle du gouvernement dans de tels pays ; aussi la principale occupation de la maison était le jeu, sous toutes ses formes, le théâtre, les déguisements, la danse, et enfin, dans les intervalles de cette jolie vie, des pratiques superstitieuses, des tirages de cartes, des marcs