Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/676

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une sorte cri inarticulé et sauvage, un râle sourd, un aboiement rauque qui n’a plus rien d’humain ; les faces se congestionnent, ruisselantes de sueur, hideuses et bestiales ; les épaules se projettent en soubresauts frénétiques et saccadés. L’exaltation arrive à son paroxysme ; c’est le somnambulisme qui va commencer.

Ici se dessine une des caractéristiques de l’hystérie, que nous retrouverons à son apogée tout à l’heure, dans l’Inde, à la fête de Diagghernaath : c’est l’imitation, à laquelle les sujets sont impuissants à résister.

Dans la salle, en effet, plusieurs assistants se lèvent et viennent prendre place au milieu des hurleurs, passant, eux aussi, en quelques secondes par les trois phases de la névrose pour en arriver sans interruption au somnambulisme. Les voilà donc, qui eux aussi crient, s’agitent, puis vocifèrent à tue-tête le nom d’Allah !

Mais la scène de somnambulisme continue. On vient de dérouler aux pieds du cheik des peaux de mouton teintes en rouge ; et, par groupes de quatre ou cinq, inconscients, insensibles, somnambulisés, les fidèles, hommes, enfants, vieillards, s’allongent sur le dos, sur le flanc ou sur le ventre, tandis que le vieux impassible monte sur eux et les piétine doucement.

Alors, les uns après les autres aussi, ils se relèvent, et le cheik s’approche de chacun d’eux à part, pour exécuter sur sa tête des passes mystérieuses et bizarres et enfin les réveiller en leur soufflant sur les yeux.

N’est-ce pas là, depuis le commencement, depuis le coup de tamtam déterminatif de la crise, jusqu’au souffle sur les yeux de la fin, c’est-à-dire déterminatif du réveil, une scène complète d’hypnotisme, telle qu’elle se pratique en Europe dans nos hôpitaux ?

L’incident suivant va bien montrer la toute-puissance de la contagion de la névrose, et aussi sa précocité. Voici qu’on vient de descendre des loges grillées qui entourent la salle, et où se cachent les femmes, une petite fille de deux ans, raidie, catalepsiée, que l’on couche par terre et sur le frêle corps de laquelle le vieux cheik se met à piétiner incontinent, et pourtant sans l’écraser, sans la tuer. La pauvre enfant pousse des hurlements épouvantables, mais ce sont des hurlements du genre de ceux des derviches ; puis, elle se lève, lorsque le cheik a fini, se laisse souiller à son tour sur les yeux, et enfin se sauve à toutes jambes, elle qui sait à peine marcher.


Arrivons-en maintenant aux fêtes indiennes de Djagghernaath, et nous aurons passé en revue toute la gamme hystérique depuis ses manifestations les plus simples jusqu’à celles incroyables et qui côtoyent, sans y tomber cependant, le surnaturel ; et là, puisque nous avons vu