Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/719

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portantes, le cérémonial ordinaire de la réception est abrégé. Du reste, aucun des assistants n’ignore que la jeune fille sait à quoi s’en tenir sur la doctrine occulte de la divinité double, qu’elle considère Adonaï comme le principe du mal, et Lucifer comme le vrai Dieu-Bon. Pourquoi perdre du temps à des formalités inutiles et à des allocutions superflues ? Un court interrogatoire de la récipiendaire ; à l’unanimité, l’assemblée est satisfaite de ses réponses. Le catéchisme de Maîtresse Templière est récité à deux voix devant elle ; elle écoute attentivement et semble approuver de la tête. Frères et sœurs se mettent à genoux devant l’autel du Palladium et la grande maîtresse prononce d’une voix retentissante l’oraison célèbre : « Viens, Lucifer, viens ! ô le calomnié des prêtres et des rois ! » Diane écoute encore, puis regarde, non sans surprise à présent, tous les assistants qui, un poignard à la main, le lèvent avec fureur dans la direction du plafond, en criant : Nekam Adonaï ! nekam !

Que se passe-t-il alors dans la cervelle de la sœur Vaughan ? Elle réfléchit, et ses regards étonnés passent en revue l’assemblée.

Cependant, on lui remet la formule du serment : « À toi, Lucifer, je jure amour, respect, fidélité. » Elle la lit et relit, approchant le papier d’un flambeau. Elle ne veut donc agir qu’en parfaite connaissance de cause. Enfin, d’une voix qui ne tremble pas, d’une voix forte, elle prête le serment, sans sauter une ligne de la formule.

Tous les palladistes sont dans la jubilation.

On apporte une hostie consacrée ; Sophia la jette dans le calice qui sert aux profanations du triangle Saint-Jacques. Elle crache sur la divine Eucharistie et invite la récipiendaire à l’imiter.

Diana la regarde froidement et dit, avec autant de simplicité que de décision énergique :

— Non.

Stupéfaction générale.

— Mais, riposte Sophie Walder, c’est là une formalité obligatoire. Nous ne pouvons te recevoir et consacrer Maîtresse Templière que si tu craches sur cet objet de la vénération des adonaïtes. Et il te faudra percer une autre hostie avec un poignard qu’on va te remettre.

La jeune fille secoue la tête négativement, d’un air décidé.

— Je ne ferai pas cela, déclare-t-elle. Je n’ai jamais cru à la présence d’Adonaï dans ce pain mystique. Mon père m’a toujours dit que, sur la question de l’eucharistie, les catholiques étaient dans une erreur complète, et que la communion n’était qu’un symbole. Dès que j’ai eu l’âge de raison, il m’a expliqué que Lucifer était méconnu, calomnié, qu’il est souverainement bon, et qu’Adonaï, le dieu des catholiques, est méchant, cruel, qu’il accable l’humanité de fléaux, qu’il a autrefois, dans un