Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/745

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Un prêtre, se laissant aller au plus criminel des entraînements, avait, dans l’espoir d’obtenir des biens terrestres qu’il convoitait, profané une hostie par lui consacrée. Satan lui apparut et lui proposa un pacte ; ce prêtre indigne l’accepta. Il vécut ainsi quelques années, ayant obtenu ce qu’il désirait et se croyant heureux.

Or, un jour qu’il se promenait sur le bord de la mer, le diable se montra à lui tout à coup dans les airs, portant entre ses mains une énorme colonne ; c’était une colonne qu’il venait d’arracher à un édifice public de Rome et qu’il avait transportée de la sorte, à l’effet d’écraser, du moins voulait-il tenter de le faire, le misérable apostat et sacrilège ; car celui-ci lui avait donné son âme, et, dans le pacte, il était stipulé que Satan aurait tout loisir de le prendre pour son royaume à tel jour. On était donc au jour fixé.

À la vue de son terrible créancier, le prêtre criminel fut épouvanté ; il comprit toute l’horreur de son forfait, et, se jetant à genoux, il s’écria :

— Ô mon Dieu, je suis le dernier des misérables, mais ayez pitié de moi ! Reprenez-moi cette fortune que je ne possède que par le plus affreux des crimes ! que je finisse mes jours dans la plus noire misère, dans les pires douleurs corporelles, dans la honte et le délaissement de tous les hommes ! Et vous, ô bon saint Pierre, mon patron, intercédez pour moi ; obtenez que j’endure sur terre toutes les souffrances de l’enfer, dont hélas ! je suis digne. Sauvez-moi, ô saint Pierre ! surtout, sauvez mon âme !

Aussitôt, l’apôtre invoqué parut, et, à trois reprises, il jeta le diable et sa colonne dans la mer ; car le Maudit persistait à vouloir écraser le malheureux, en prétendent qu’il lui appartenait.

Le diable fut à tel point vexé de cette défaite, qu’il brisa de colère sa colonne et s’enfuit le plus vite qu’il put.

Des fragments de cette colonne sont conservés dans une église de Prague.

Que l’on ne vienne donc plus nous dire que Satan a le pouvoir de vie et de mort sur les hommes. L’Église déclare le contraire et le prouve par l’intervention miraculeuse des saints, qui, dans le cas de contrition parfaite, et lorsqu’un obsédé rompt son pacte par un acte de libre arbitre, peuvent défendre contre la rage infernale le pécheur repentant.


Pour terminer sur la question de l’obsession, il me reste à citer deux faits, dont le dernier m’est strictement personnel ; dans l’autre, je n’ai pas été acteur, mais témoin. En outre, cette double narration m’amènera à relater encore une histoire de pacte, qui n’est peut-être pas une légende. Nous passerons ensuite au chapitre consacré à la possession.