Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/788

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C’est ainsi que, par une vue particulière de Dieu, plusieurs démons ont été enfermés dans des personnes que je connais, et ces personnes les font beaucoup souffrir par leur vertu et finissent par les contraindre à abandonner l’assaut des âmes et à retourner en enfer, vaincus.

« Je ne suis pas seul à connaître ces mystères du surnaturel ; d’autres prêtres les ont constatés comme moi, et si vous n’étiez déjà au courant des choses diaboliques, je n’oserais vous les dévoiler.

« Je combats donc contre l’enfer dans le monde caché des âmes, pendant que vous le combattez à l’extérieur et par la plume. Je suis en rapport, à Paris même, avec des prêtres qui sont dans les mêmes conditions que moi. »

J’ai reçu plus de cent lettres conçues dans l’esprit des deux que je viens de reproduire en partie. Toutes sont aussi intéressantes et instructives. Mes correspondants voudront bien me pardonner, si je ne les cite pas tous en témoignage ; j’ai à éviter le reproche de développement exagéré. J’aurais pu même me borner à donner la première lettre ; mais j’ai tenu à faire mention de la dernière, parce qu’elle signale des faits précis de possession, et aussi pour une autre raison, celle-ci d’ordre intime.

Mon honorable correspondant se trouve être le frère d’un ancien commandant de la Compagnie des Messageries Maritimes, pour lequel je professe, comme tous mes camarades, du reste, la plus grande estime. Je n’ai pas eu l’honneur de servir sous ses ordres ; mais sa réputation de loyauté et de courage est telle, qu’aux Messageries tout le monde est fier de lui. Dans la marine, personne ne l’ignore, nous sommes comme dans l’armée ; la Compagnie, c’est le régiment ; tous les cœurs battent à l’unisson. Le frère du signataire de la lettre que l’on vient de lire est d’autant plus aimé chez nous, qu’il a subi un naufrage où il s’est conduit héroïquement. Aussi le lecteur comprendra cette courte digression, qui m’a permis de rendre hommage à un brave ; ces quelques lignes me sont parties du cœur.

Mais, puisque j’aborde ce chapitre si grave de la possession, je ne dois pas me borner à des citations de correspondants particuliers. Sans prétendre faire la leçon à quiconque, il me faut pourtant rappeler l’enseignement des théologiens, au moins de l’un des plus savants et des plus compétents d’entre eux. Je suis en butte à la critique des incrédules, et il y en a même parmi les catholiques ; l’indifférence sur ce qui a trait à l’action des démons à l’égard du monde a fait pénétrer le scepticisme même dans les rangs du clergé, hélas ! C’est pourquoi, il est indispensable que je remette sous les yeux du public d’élite, sérieux et réservé, qui me fait l’honneur de me lire et surtout de me faire lire, quelques