Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/791

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plaise que j’oublie si fort la dignité de cette chaire et la piété de cet auditoire, que de vouloir établir par des raisons et des autorités étrangères ce qui nous est si manifestement enseigné par la sainte parole de Dieu et par la tradition ecclésiastique ! Mais j’ai cru qu’il ne serait pas inutile de vous faire observer en ce lieu que la malignité des démons est si grande qu’ils n’ont pu la dissimuler et qu’elle a même été découverte par les idolâtres, qui étaient leurs esclaves et dont ils étaient les divinités.

Entreprendre maintenant de prouver qu’il y a des démons par le témoignage des saintes Lettres, ne serait-ce pas se donner une peine inutile ? puisque c’est une vérité si bien reconnue, et qui nous est attestée dans toutes les pages du Nouveau Testament. Pourtant, pour employer à quelque instruction plus utile le peu de temps que nous nous sommes prescrit, j’irai, avec l’assistance divine, reconnaître cet ennemi qui s’avance si résolument contre nous, pour vous faire un rapport fidèle de sa marche et de ses desseins…


Dieu étant une lumière infinie, il ramasse, en l’unité simple et indivisible de son essence, toutes ces diverses perfections qui sont dispersées de çà et de la dans le monde. Toutes ces choses se rencontrent en lui d’une façon très éminente, et c’est de cette source que la beauté et la grâce sont dérivées dans ces créatures ; d’autant que cette première beauté a laissé tomber sur les créatures un éclat et un rayon de soi-même. Nous voyons bien toutefois, chrétiens, qu’elle ne s’est pas toute jetée en un lieu, mais qu’elle s’est répandue par divers degrés, descendant peu à peu depuis les ordres supérieurs jusqu’au dernier étage de la nature. Ce que nous observerons aisément, si nous prenons garde qu’au-dessus des choses insensibles et inanimées Dieu a établi la vie végétante, et un peu plus haut le sentiment au-dessus duquel nous voyons présider la raison humaine, d’une immortelle vigueur, attachée néanmoins à un corps mortel. Si bien que notre grand Dieu, pour achever l’univers, après avoir fait sur la terre une âme spirituelle dans des organes matériels, a créé aussi dans le ciel des esprits dégagés de toute matière, qui vivent et se nourrissent d’une pure contemplation. C’est ce que nous appelons les anges, que Dieu a divisés en leurs ordres et hiérarchies ; et c’est de cette race que sont les démons…


… Les anges ne sont-ils pas, parmi toutes les créatures, celles qui semblent toucher de plus près à la majesté divine ? Puisque Dieu les a établis dans l’ordre suprême des créatures pour être comme sa cour et ses domestiques, c’est une chose assurée que les dons naturels dont nous avons reçu quelques petites parcelles, la magnificence divine les a répandus comme à main ouverte sur ces belles intelligences.

Et de même que ce qui nous paraît quelquefois si subtil et si inventif dans les animaux, n’est qu’une ombre des opérations immortelles de l’intelligence des hommes, ainsi pouvons-nous dire en quelque sorte que les connaissances humaines ne sont qu’un rayon imparfait de la science de ces esprits purs dont la vie n’est que raison et intelligence.

Vous trouverez étrange peut-être que je donne de si grands éloges aux anges rebelles et déserteurs ; mais souvenez-vous, s’il vous plaît, que je parle de leur nature et non pas de leur malice, de ce que Dieu les a faits et non de ce