Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/849

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contribué à envoyer les mauvais esprits se mettre en possession des religieuses de cette ville.

L’évêque exorcisa Madeleine ; il découvrit qu’elle avait été elle-même ensorcelée par Mathurin Picard, aumônier du couvent. Picard était mort. On le fit déterrer ; on excommunia son cadavre ; après quoi, il fut jeté à la voirie.

Madeleine, amenée devant le lieutenant criminel Routier, avoue qu’étant à Rouen, chez une couturière, un magicien la corrompit et la conduisit au sabbat ; que ce magicien y célébra la messe noire et lui donna à porter désormais sur elle une certaine chemise enchantée, dont les effets étaient tels que je ne puis les reproduire du procès-verbal ; qu’elle fut mariée au diable Dagon, lequel la fit beaucoup souffrir ; que Mathurin Picard l’éleva à la dignité de princesse du sabbat, quand elle eut promis d’ensorceler toute la communauté.

Cette malheureuse avoue bien d’autres infamies, des abominations sans nom, qui sont consignées tout au long dans les procès-verbaux officiels. Je ne mentionnerai que ce qui peut être mis en français, dans un ouvrage comme celui-ci. Ainsi, elle composa des maléfices, en se servant d’hosties consacrées qu’elle mêlait à du poil de bouc du sabbat. Dans une maladie qu’elle éprouve, Picard lui fit signer un pacte, en grimoire diabolique. Elle assista, au sabbat, à l’accouchement de quatre magiciennes ; elle aida à égorger leurs enfants ; elle fut au nombre de ceux qui mangèrent de cette chair. Un jeudi-saint, Picard, elle et d’autres magiciens et sorcières firent ensemble la cène, et là encore on mangea un petit enfant ; puis, dans la nuit du jeudi au vendredi, Picard et Boullé, son vicaire, transpercèrent à coups de couteau la sainte Eucharistie ; l’hostie jeta du sang.

De plus, elle confessa avoir usé, avec succès, d’emménagogues abortifs, et avoir assisté à l’évocation de l’âme de Picard, faite par Thomas Boullé, dans une grange, pour confirmer les divers maléfices jetés sur le diocèse d’Évreux. Les démons lui apparaissaient souvent, la nuit dans sa cellule, sous la forme de gros chats noirs.

Madeleine Bavan, ayant témoigné un repentir qui parut sincère, ne fut pas envoyée au bûcher ; on se borna à la condamner, par jugement du 12 mars 1643, à être confinée à perpétuité dans une basse-fosse et à jeûner au pain et à l’eau, trois fois par semaine, pendant tout le reste de sa vie.

Quant à Thomas Boullé, il fut solennellement destitué de ses fonctions d’aumônier, flétri en public comme prêtre indigne, ayant apostasié Dieu pour se mettre au service de Satan ; il eut son procès personnel instruit, et finalement il fut brûlé vif à Rouen, sur la place du Vieux-Marché, le 22 août 1647.