Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/868

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exorcistes. Les exorcistes désignés par l’archevêque de Bordeaux furent remplacés par le père Lactance, récollet, et Guilloteau, théologal de l’évêque de Poitiers. Ils entrèrent en fonctions dès le 15 avril 1634. Bientôt, la possession prenant des proportions de plus en plus inquiétantes, ils durent demander du renfort ; on leur adjoignit alors quatre capucins, les pères Luc, Tranquille, Protais et Elisée, et deux carmes, les pères Pierre de Saint-Thomas et Pierre de Saint-Mathurin.

Les exorcismes se firent simultanément dans les quatre églises de Loudun, les églises de Sainte-Croix, du couvent des Ursulines, de Saint-Pierre du Martroi, et du prieuré de Notre-Dame du Château.

« Comme les démons, dit le père Surin, disaient tous les jours de nouvelles choses sur lesquelles il était nécessaire de confronter et d’examiner Grandier, M. de Laubardemont fit faire une forte prison à Loudun, où le coupable fut transporté. Il refusa d’abord de répondre aux interrogations de son juge ; mais, peu après, il le fit. Mgr l’évêque de Poitiers, apprenant ce qui se passait dans l’exorcisme, vint à Loudun. Les démons ayant dit qu’on trouverait sur le corps de Grandier certaines marques qu’ils dépeignirent, on le fit visiter, et on en trouva deux, comme les démons avaient dit. »

C’était, en effet, une doctrine généralement reçue que tout magicien devait avoir sur le corps des endroits insensibles, comme preuves de son commerce avec Satan.

Dans la séance du 26 avril, un des démons de la supérieure, interrogé à ce sujet, déclara que Grandier était marqué en deux endroits du corps les plus secrets[1]. Le chirurgien Mannoury fut chargé de l’opération, qui confirma l’assertion de la supérieure. Le 28 avril, Asmodée, interrogé au sujet du pacte par lequel le curé de Saint-Pierre avait vendu son âme au diable, refusa d’abord de répondre ; puis, cédant aux instances de l’exorciste, il promit d’apporter une copie du pacte en question, déposé dans le cabinet de son maître Lucifer. Le lendemain, à l’heure marquée, il remettait en effet par les mains de Jeanne de Belciel la pièce suivante aux exorcistes :

« Monseigneur et Maistre, je vous recognois pour mon Dieu et vous prometz de vous servir pendant que je viveray, et dès à présent je renonce à tous autres et à Jésus-Christ et à Marie et à tous les saints du ciel et à l’Église catholique et apostolique et romaine et à tous les suffrages d’icelle et auraisons qui pourroient faire pour moy, prometz vous adorer et faire hômages au moings trois fois le jour et faire le plus de mal que je pourray et attirer à mal faire autant de personnes qui me sera

  1. « In duabus natibus circà ανυμ et in duobus τεστιχυλις »