Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/882

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lui reprochais d’avoir perdu Dieu, il en versait de grosses larmes. Balam, qui est le démon de l’ivrognerie, n’avait pas non plus cette dureté. L’emploi de l’impitoyable Béhémoth est de porter les hommes à jurer… Il disait que, quand il retournait en enfer pour visiter son troupeau de damnés, qu’il avait pris à la chasse sur la terre, il sonnait de bien loin de la trompette, et que, dès que ces pauvres âmes entendaient ce son, elles tombaient-en des craintes effroyables, comme à l’arrivée du bourreau le plus impitoyable de l’enfer.

« Un jour que je tenais Béhémoth à l’exorcisme, il entra tout-à-coup dans une rage extraordinaire, et la plus grande que je lui aie jamais vue ; en sorte que je crus qu’il allait sortir. Je l’obligeai sans de grandes peines de me dire le sujet de cette furieuse agitation. Il m’avoua qu’il venait d’apprendre par un Trône, un de ses suppôts, la plus fâcheuse nouvelle qu’il eût entendue depuis plusieurs années. C’est, me dit-il, qu’un homme d’une ville qu’il me nomma, qui est vers le levant en Languedoc, étant fort tenté par le démon d’impureté, succomba à la tentation, et moi, ne trouvant point de femme avec qui il pût consommer son péché, je me présentai à lui sous la forme d’une jeune fille. Comme sa passion était violente, il accepta l’offre que je lui fis de le contenter. Après qu’il eut donc ainsi vécu quelque temps avec moi, je fis un pacte avec lui par lequel il s’engagea à me servir, et moi je m’engageai à satisfaire ses passions. Cette vie a duré dix-huit ans, après lesquels Dieu, par une grande miséricorde, lui a envoyé une maladie qui l’a fait rentrer en lui-même et retourner à Dieu, dans la grâce de qui il vient de mourir… C’est ce qui m’a mis dans une si grande fureur… »

L’un des événements les plus merveilleux qui signalèrent cette histoire des possédées de Loudun, fut la conversion d’un conseiller au Parlement de Bretagne, M. de Quériolet. Le père Surin raconte ainsi cette conversion miraculeuse opérée à l’aide des démons.

« On sait en quel état était M. de Quériolet, quand il fit un voyage exprès à Loudun pour débaucher une huguenote, à dessein de se faire calviniste, s’il était nécessaire, pour contenter sa passion. Il s’était abandonné à tous les vices ; il haïssait l’Église, ses ministres, et toutes les personnes consacrées à Dieu. Il voulait se faire magicien, et avoir commerce avec les démons. Enfin, il les trouva à Loudun ; mais il ne se fût jamais imaginé que leur entretien dût être la source de son bonheur.

« Étant donc à Loudun, proche de l’église, où se faisaient les exorcismes, la curiosité le poussa à y entrer, à dessein seulement de s’en moquer. D’abord, il y prit quelque plaisir ; ce qui fit qu’il y retourna encore deux fois. À la seconde fois, le démon l’entreprit et le pressa fort de se retirer, parce qu’il savait l’effroyable violence que Dieu voulait