Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/892

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« Ainsi signés : R. Demorans, prêtre chanoine de Thouars, commis par Mgr l’évêque de Poitiers pour la direction des Ursulines ; F. Tranquille, capucin ; F. Pierre Thomas de Saint-Charles, carme ; F. Mathurin, carme ; F. Élisée, capucin ; F. Mathieu ; F. Luc, capucin ; Jean Doamlup, jésuite ; Jacques Cothereau, jésuite ; Jean-Joseph Surin, jésuite. »

Les laborieux efforts du père Surin pour soustraire la prieure à la tyrannie du démon furent enfin couronnés de succès. Il eut la satisfaction de chasser coup sur coup trois de ses principaux démons : Léviathan, Balam et Isacaron.

L’expulsion de Léviathan est ainsi racontée par le père lui-même :

« C’était le 5 de novembre 1635 ; et il se trouva ce jour-là une grande compagnie à l’exorcisme. Léviathan, qui croyait être victorieux par rapport au dessein qu’il avait formé de me faire sortir de Loudun, avait résolu de se moquer de moi dans cette grande assemblée. Ayant donc pris les ornements et salué le Saint-Sacrement, je commençai l’exorcisme ; et, ayant reconnu que Léviathan se présentait contre son ordinaire, je l’attaquai, et lui commandai par la puissance de Jésus-Christ que je tenais en mes mains, de rendre obéissance à l’Église, en quittant le corps qu’il possédait et de donner la marque prescrite. Il voulut parler pour m’insulter sur le changement qui allait se faire, mais il ne le put ; et fut arrêté tout court et tomba par terre, se pliant et rampant comme un serpent. Ensuite, il se prosterna à mes pieds, et sortit laissant la mère libre. Au même moment, il parut une croix rouge sur son front ; c’était le signe que le démon avait donné à Mgr de Poitiers pour marque de sa sortie.

« Comme, par l’agitation du démon, la mère avait laissé tomber sa coiffure, on avait remarqué qu’elle avait le front fort blanc ; et ensuite, sans que personne l’eût touchée, ni qu’elle se fût touchée elle-même, on vit cette croix rouge. Elle eut une grande joie de se voir délivrée de ce démon, et toute l’assemblée en loua Dieu avec elle. Le père recteur jugea à propos d’interroger quelques-uns des démons qui restaient sur ce qui venait d’arriver. Dans le moment, Isacaron parut : le père lui demanda ce qu’était devenu Léviathan. Il répondit : « Joseph est venu qui l’a chassé, lorsqu’il voulait faire confusion au ministre de l’Église. »

Ce récit du père Surin est confirmé par une lettre authentique adressée à ce sujet par lui à l’évêque de Poitiers, et imprimée au moment même, accompagnée d’un extrait du procès-verbal des exorcismes[1].

  1. Lettre escrite à Monseigneur l’Évesque de Poitiers par un des pères jésuites qui exorcisent à Loudun contenant un brief récit de la sortie de Léviathan, chef de cinquante démons, qui possèdent tant les filles religieuses que séculières.
    Paris, 1635. — L’extrait du procès-verbal est suivi des signatures suivantes :
    Jean-Jose Surin, R. Demorans, F. Tranquille, Guillaume Anginot, de la Compagnie de