Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/895

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entièrement le maître dans cette tragédie, et qu’il n’y verrait que ce qu’il plairait a sa majesté. On pria le père Doamlup de venir au plus tôt à l’exorcisme ; mais, comme il voulait pousser sa pointe avec les démons de la sœur Lacroix qu’il avait entrepris le matin, il pria le supérieur de permettre qu’on se passait de lui un peu de temps, parce qu’il était fatigué. Le père Anginot, supérieur de cette maison de Loudun, le lui accorda.

« Lorsqu’on commença l’exorcisme, je trouvai Balam en faction. Je lui commandai de sortir, et voyant qu’il donnait des symptômes extraordinaires, je crus que l’heure de sa sortie pouvait être arrivée. Je pris donc le Très-Saint Sacrement dans la main, et par la vertu de Jésus-Christ que je tenais, et par l’autorité de l’Église, je lui ordonnai de sortir. Le démon se mit alors dans une grande furie, et abattit la manche de la mère. Je dis à ces messieurs que le démon, pour signe de sa sortie, avait promis qu’il écrirait sur la main de la mère le nom de saint Joseph à la place du sien qu’il y voulait mettre absolument. Il eut bien de la peine à faire ce changement. Il avait promis à Mgr de Poitiers qu’il écrirait Balam ; et ce prélat s’en était contenté, parce qu’on tire ce qu’on peut de ces esprits de ténèbres, comme de mauvais payeurs. Mais je voulus, moi, qu’il mit celui de saint Joseph. Il me résista, disant que, puisqu’il n’irait jamais au ciel, il aurait eu un grand plaisir que la mère y portait son nom ; que néanmoins, comme je le voulais absolument, il écrirait, en sortant, le nom du Bonhomme, quoiqu’il fût, après Marie, le plus grand ennemi qu’il eût au ciel.

« Je pris la manche de la mère qu’il avait rompue, et mylord Montaigu prit la main par le bout des doigts ; les autres messieurs étaient proches, et tous trois regardaient de fort près avec des religieux qui étaient présents. Ils virent clairement le nom de Joseph en caractères sanglants, sur la main qu’ils avaient vue blanche. Ils furent étonnés de cette merveille, et le dirent à tous les assistants ; ils en donnèrent même leur témoignage qui fût mis au greffe. Un de ces gentilshommes me dit qu’il publierait partout ce qu’il avait vu, et qu’il en parlerait au roi d’Angleterre.

En effet, cette même année 1635, peu après l’événement, paraissait une « Relation de la sortie du démon Balam du corps de la Mère Prieure, des Ursulines de Loudun, et ses espouvantables mouvemens et contorsions en l’Exorcisme, avec l’Extrait du procès-verbal desdits exorcismes qui se font à Loudun par ordre de Monseigneur l’Evesque de Poitiers, sous l’authorité du Roy. » Cette relation contient l’attestation expresse des témoins du prodige dont parle le père Surin :

« Ledit père, y est-il dit, s’étant aperçu que le démon n’en pouvait