Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/897

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les hommes ne font pas tout ce qu’ils doivent pour procurer votre entière guérison, je vous assisterai, et vous donnerai moyen d’être délivrée à Loudun, sans qu’il soit nécessaire d’aller plus loin. Dites-le à votre père exorciste, et qu’il prenne patience dans les grandes peines qu’il aura à souffrir dans son emploi avant votre entière délivrance. » S’étant ensuite réveillée, elle sentit sa chambre toute parfumée d’une très douce odeur.

En conséquence, le père Surin averti se mit en devoir de chasser Isacaron. Cette sortie eut lieu en 1636.

« Lorsque j’appris ces bonnes nouvelles, continue le père Surin, je voulus disposer Isacaron à écrire le nom de Marie sur la main de la mère, au premier exorcisme, lorsqu’il sortirait, au lieu de fendre l’ongle du doigt, ce qui était le signe qu’il avait promis de donner de sa sortie. Il protesta qu’il n’en ferait rien. Je continuai toujours à lui commander d’écrire sur la main droite de la mère le nom de Marie : il dit qu’il l’écrirait, mais sur la main gauche, ou le nom de Joseph était déjà. Il fallait que ce fût la volonté de Dieu, et que je me trompasse en cette circonstance.

« J’avais résolu de ne point faire d’exorcisme le jour des Rois, parce qu’après les vêpres et le sermon le jour était presque passé, et que la mère était indisposée. Mais elle fut si troublée pendant le sermon, que j’y fus contraint ; et comme je la menais à l’autel de la Sainte Vierge, elle frappait tout le monde et voulait m’outrager moi-même. »

Après le chant du Magnificat, de l’Ave Maris Stella, et de l’hymne O gloriosa Domine, pendant lesquels les démons ne cessèrent de vomir par la bouche de la mère les plus horribles blasphèmes, le père Surin fit délier la mère, dont le corps entra aussitôt dans d’étranges convulsions.

« Isacaron, paraissant de nouveau avec un visage hideux, se laissa tomber à tête, où il s’écria : « Maudite soit Marie et le fruit de son ventre ! » J’insistai encore, afin qu’il fit réparation de ses horribles blasphèmes. Je lui commandai même de se vautrer par terre, comme le serpent dont elle avait écrasé la tête, et de lécher le pavé de la chapelle ; ce qu’il fit avec un air plein de furie. Je pris le Saint-Sacrement à la main, je l’obligeai de lui faire amende honorable, et de dire à l’honneur de la Sainte Vierge des paroles qui réparassent les outrages qu’il lui avait faits. Il dit alors d’une voix précipitée, et qui venait de la poitrine de la mère, en se pliant le corps : « Reine du ciel de la terre, je demande pardon à votre majesté des blasphèmes que j’ai dits contre votre nom. Votre puissance me contraint de sortir à vos pieds. »

« Entendant ces mots, je dis aux assistants : « Il va sortir. » Je lui commandai de nouveau d’écrire le nom de Marie. Alors, il leva le bras