Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/904

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qui cesse sans exorcisme, par la grâce de Dieu touché d’un instant de repentir, se constate fréquemment. C’est à son propos que l’Église, en citant le cas de saint Théophile acceptant de renier sa foi, dit : « Alors Satan entra en lui et renia par sa bouche le Christ et sa Mère. » C’est, en effet, le diable, qui, mettant à profit la défaillance de cet homme jusqu’à ce moment si pieux, est entré en lui, et c’est lui, démon, qui a renié.

D’autres fois encore, la possession est subite, sans qu’il y ait en faute même vénielle commise, et elle se prolonge avec plus ou moins de ténacité de la part du démon. Le possédé, étant innocent, n’a pas à se repentir ; pourtant, le diable, qui a sauté sur lui à l’improviste, qui s’est emparé de sa personne, homme ou femme, et s’y est installé, ne veut plus déloger, et, pour le faire céder, les exorcistes sont contraints à entamer de véritables luttes. Tel est le cas des ursulines de Loudun, qui avaient simplement reniflé le parfum de quelques roses, ignorant qu’elles étaient ensorcelées ; cas de possession absolument passive.

Dans d’autres cas, enfin, le possédé est un impie invétéré, qui a pris depuis longtemps le soin de tapisser lui-même l’intérieur de sa con science de méchants actes, de mauvaises pensées, d’irréligion et de toutes sortes d’infamies. Tel devait être, par exemple, le fameux Ravachol, que les médecins se sont accordés à déclarer parfaitement en possession de sa raison, qui a été condamné comme criminel, mais qui n’était certainement pas un criminel ordinaire, naturel, si j’ose m’exprimer ainsi, et qui a marché tranquillement à la guillotine, en chantant des horreurs, comme Grandier allant au bûcher ; car personne n’a oublié l’abominable chanson, blasphématoire au plus haut degré contre Dieu, que cet anarchiste modulait gaiement au moment même où le bourreau allait lui trancher la tête. Je suis convaincu que, si Ravachol, au lieu d’être examiné par des médecins, l’avait été par des exorcistes, on aurait reconnu dans son cas une possession des mieux caractérisées.

Ces prolégomènes donnés, nous pouvons maintenant étudier la possession, comme nous avons étudié l’hystérie. Essayons donc d’employer la méthode scientifique pour la décrire, l’analyser en médecin, et dressons, si nous le pouvons, le tableau clinique de cette prétendue maladie.

Eh bien, ici, dès le premier abord, tout va nous manquer sous les pieds, quelque effort que nous fassions ; et nous aurons beau forcer, les analogies, torturer les mots, tenter des rapprochements extraordinaires, il nous sera impossible de classer le possédé parmi les malades, ni de catégoriser la possession dans les névroses, de quelque façon que nous nous y prenions. Et cela seul est une preuve de sa spécialisation.

Cherchons, en effet, dans la possession, ce que l’on doit tout d’abord chercher dans une étude de ce genre, l’hérédité et l’étiologie, — ce que