Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/914

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vomir des ordures. Ce n’est plus du grec, à présent, c’est du français, mais du français de ruisseau. Des mots ignobles sortent de sa bouche, des descriptions d’actes, que, évidemment, il ne peut avoir ni vus ni lus, ni par conséquent retenus. « Baste ! conclut la famille, rebelle à comprendre, dans son ignorance ou son oubli du surnaturel diabolique ; baste ! quelque paysan grossier, quelque vil charretier aura passé sur la route, devant la grille du jardin, en sacrant et jurant, et Bébé, vrai perroquet, aura tout retenu ! » Et l’on gronde l’enfant, pour la forme, bien entendu ; car, au fond, on n’est nullement épouvanté. N’est-ce point là, en effet, se dit-on, une nouvelle démonstration de l’intelligence précoce de l’enfant gâté ?

Par ces quelques exemples, pris entre cent, on voit ce qui se passe au moment de la possession chez l’enfant, ou ce qui peut se passer dans le domaine intellectuel.

Ce qu’il convient de noter en ceci, c’est la conscience parfaite du jeune possédé. Ces mots, il ne les dit pas sans s’en douter : il n’est pas le moins du monde, en effet, un automate absolument inconscient ; tel l’hystérique, qui a eu sa crise et ne se rappellera rien à sa sortie ou à son réveil. La différence est sensible, énorme, dans ce qui nous occupe ici. L’enfant possédé n’a pas de crise, dans le sens hypnotique, somnambulique, hystérique, du mot. Il est automatique, mais conscient ; c’est-à-dire qu’il est impulsif résistible ou irrésistible, en ce sens que quelque chose d’intime le pousse tout à coup à proférer certaines phrases ou certains mots, poussée à laquelle il résistera ou ne résistera pas. Mais il sait, somme toute, qu’il dit quelque chose ; il se rappelle qu’il a dit et ce qu’il a dit. La seule distinction est qu’il ne sait et ne comprend pas le sens de ce qu’il dit, ni comme idée, ni comme portée. Il dit, et c’est tout.

La connaissance réelle de la mise en œuvre des facultés d’élocution, le souvenir, la possibilité de résister ou de ne pas résister, telles sont les conditions toutes spéciales, les signes pathognomoniques, qui séparent notre enfant sain d’un enfant malade, notre jeune possédé d’un hystérique, d’un hypnotisé. Elles sont capitales en l’espèce, en le voit.

Après l’ordre intellectuel, passons en revue l’ordre physique.

J’ai dit que l’enfant possédé jouissait de la plénitude de sa santé, et que, par conséquent, rien ne pouvait le faire confondre avec un malade en temps ordinaire ; et cela est la règle. Il ne faudrait pas en conclure, cependant, ni en induire que la possession diabolique met l’enfant à l’abri de la maladie. Évidemment, il n’en est rien. Et c’est là encore un des points principaux de dissemblance bien caractérisée, d’opposition absolue entre l’hystérie et la possession.

L’hystérie, — ceci est une règle (presque sans exception) d’observation