Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/938

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et au milieu des phénomènes effrayants déjà décrits. Je continuai à lui répéter d’abandonner l’enfant et de cesser une résistance inutile. Furieux, il s’écria : « Je ne puis pas. — Pourquoi ne peux-tu pas quitter le corps de cet enfant ? demandai-je. — Parce qu’elle le tient toujours ensorcelé », donna-t-il comme raison. Je demandai qui, elle, une femme ? La réponse fut : « Oui. » Aussitôt je demandai son nom. « Herz », répliqua-t-il. À ces mots, les parents du possédé se frappant la tête et pleurant s’écrièrent : « Cette femme est notre voisine ». Je l’interrogeai pour savoir si elle leur avait jeté le sort de la possession. Il dit : « Oui ». — « Pour quelle raison ? continuai-je. — Parce qu’elle était en colère » déclara-t-il. Cet enfant avait-il fait quelque mal à cette femme ? achevai-je. — Non, répondit-il.

Dans les exorcisations répétées l’adjurant de quitter l’enfant, lui déniant le droit de tourmenter une créature de Dieu, il donna toujours et sans cesse la même réponse : « Je ne peux pas ». Quand on lui demandait pourquoi il ne pouvait pas quitter cet enfant, il répondait ; « Parce que cette Herz l’ensorcèle toujours ». — L’ensorcèle-t-elle encore maintenant ? « — Oui. — Ainsi, tant que cette femme continuera son sortilège, tu ne pourras pas abandonner l’enfant ? demandai-je au possédé. — Oui. — Mais tu dois abandonner cet enfant, je t’en adjure, malgré que cette femme l’ensorcèle encore. Dieu est plus puissant que toi, et ma qualité de prêtre me donne barre sur toi. » — Alors il s’écria très méchamment : « Je ne peux pas ».

Je l’adjurai ensuite de me dire si et quand il quitterait l’enfant. Réponse : « Je ne peux pas ». — Depuis combien de temps possèdes-tu cet enfant demandai-je. — Depuis une demi-année, répondit-il. — Cette réponse est juste ; en effet, depuis six mois, ce malheureux se trouve dans ce lamentable état.

Puis, je l’adjurai de me dire pour quelle raison il tourmentait ainsi ce pauvre enfant innocent, sur lequel du reste il n’avait aucun pouvoir, puisque l’enfant n’avait encore commis aucun péché mortel. « Parce que je le dois, répliqua-t-il ». — Pourquoi, demandai-je aussitôt. — Parce que cette Herz l’ensorcèle toujours ; tant qu’il en sera ainsi je ne pourrai partir, repartit-il. — Comme je lui déclarais encore une fois qu’il devait néanmoins s’en aller, il répéta très méchamment : « Je ne puis pas. » — Mais il faut pourtant que tu t’en ailles, dis-je ; je t’adjure par le Dieu tout-puissant, de déclarer de suite et ouvertement quand tu t’en iras. — « Je ne le sais pas », s’écria-t-il avec mépris. Enfin, je dis au diable de me dire son nom, et il répondit : « Je ne le sais pas ».

J’étais entièrement épuisé et très grandement ému : ces exorcisations duraient depuis deux heures. Je terminai la séance. Mes souffrances durant ces jours, mes sentiments pendant et après l’exorcisation, je laisse à chacun le soin de les juger. Je veux seulement déclarer ceci : c’est que, après cette exorcisation, je fis la promesse de dire une messe d’actions de grâce en l’honneur de la Mère de Dieu, de tous les anges et de tous les saints, si par leur intercession le bon Dieu daignait m’exaucer. Effectivement, dans l’après-midi, mes prières furent écoutées.

Plein de confiance comme le matin et encouragé par les nombreuses déclarations que l’esprit malin avait faites dans la matinée, je repris l’exorcisation, dans l’après-midi, à une heure, et cette fois-ci pour la dernière fois. Pendant la bénédiction cruciale et les litanies des Saints, l’enfant était encore agité mais les crachements avaient cessé. Usant des mêmes procédés que le