Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/946

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La question de doctrine, c’est l’existence du surnaturel. Le démon peut-il agir sur les créatures humaines ? Y a-t-il des cas de possession ? L’Église répond oui. Il y a eu des cas de possession, il y en a et il y en aura toujours.

Sur la question de doctrine, pas d’hésitation dans l’Église. L’existence du démon est un point de notre dogme catholique, et nul ne peut le mettre en doute ni refuser d’admettre la part d’action du démon sur les âmes, sur les corps, sur la nature entière, part d’action qui est la conséquence de son existence.

De même, l’Église a été investie de toute-puissance pour chasser le démon ; et depuis sa fondation, elle n’a jamais cessé d’exercer ce droit qui est un devoir.

La question de fait est tout autre.

Dans l’espèce, la jeune fille dont Mgr l’évêque de Versailles a autorisé l’exorcisation, est-elle vraiment possédée ?

D’abord, ce fait que l’Ordinaire a autorisé l’exorcisme est, pour les catholiques, plus qu’une présomption en faveur de la possession. Un doute, après que l’Ordinaire a parlé, serait au moins téméraire.

Mais comment un Ordinaire peut-il se faire une opinion ? comment peut-il juger scientifiquement s’il y a phénomène surnaturel ou si la maladie n’est qu’une manifestation hystérique ? Comment, en particulier, dans le cas de Gif, l’Ordinaire de Versailles a-t-il pu autoriser M. le curé de Gif, assisté du directeur du grand-séminaire de Versailles, à procéder à l’exorcisme ?

Je ne connais le fait que par ce qu’en ont raconté les journaux et plus particulièrement un des organes les moins sympathiques à l’idée chrétienne. Or, le récit de votre confrère suffit à me prouver le bien fondé de la décision de Mgr de Versailles. Écoutez ce récit :

« Les premiers médecins appelés à donner un diagnostic restèrent bouche bée devant les manifestations d’un mal qui les déroutait. Cette jeune fille aurait dit des choses surprenantes sur le passé, le présent et l’avenir à des personnes qu’on prétend être sérieuses. »

L’attitude de ces médecins qui restent « bouche bée » devant « des crises nerveuses, qui dégénèrent en hystérie compliquée de somnambulisme et d’hypnotisme, crises violentes et répétées qui se traduisaient par des cris aigus de nature à troubler la tranquillité des paisibles habitants », prouve à tout homme de bonne foi que la jeune fille est la victime d’une misère différente de l’hystérie. Il n’y a pas un médecin qui aujourd’hui ne connaisse, par le détail, tous les phénomènes bizarres qu’une hystérique peut présenter.

Or, voilà les médecins déroutés par ce qu’ils voient. Ce qu’ils voient, en effet, est bien de nature à les dérouter :

1° La jeune fille dit des choses surprenantes sur le passé, le présent et l’avenir ;

2° Aussitôt qu’elle aperçoit les prêtres, elle s’écrie (je cite encore votre confrère) : « Tiens, voilà les calotins qui vont commencer leurs bêtises. » Et elle cherche à leur cracher à la figure et à leur lancer des soufflets. Les orémus la font éclater de rire, et quand on récite les litanies des saints, au lieu de répondre après chaque verset : Ora pro nobis, elle dit avec rage le mot de Cambronne, qu’elle répète jusqu’à trois fois sur un ton de plus en plus élevé ;

3° Elle comprend toutes les prières récitées en latin et en allemand.