Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/948

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nelles, le directeur de l’Éclair a fait connaître au public le récit impartial des faits, tombant des lèvres du principal ecclésiastique mis en cause ; c’est une justice à rendre à ce journal.


Nous nous arrêtons à Gif, raconte le rédacteur (numéro du 2 août 1893). Nous nous faisons indiquer la cure ; M. le curé nous reçoit incontinent.

— Ah ! vous voici, dit-il ; saint Thomas, vous venez mettre le doigt dans la plaie… Eh bien, voyez et publiez la vérité… Elle est guérie, la pauvre possédée, et j’affirme qu’elle ne retombera pas dans ses crises démoniaques.

Nous nous asseyons. L’ecclésiastique défend avec ardeur sa thèse et se couvre de l’autorité épiscopale.

— Que n’avez-vous parlé à monseigneur ?

— Vous comprenez bien qu’avant de rien faire, je me suis enquis de connaître exactement la situation de la jeune fille. Elle était malade d’une maladie étrange, disait-on dans le pays ; elle restait des semaines sans manger. Je l’avais vue, j’avais essayé les secours ordinaires de la religion ; comme les médecins, je n’avais obtenu aucun résultat appréciable.

La jeune fille me dit un jour, — car c’est elle et les siens qui ont été au-devant de l’Église : — « Vous faites des bonnes œuvres ; pourquoi ne me délivrez-vous pas ? Je souffre et je vous appelle. »

Je m’enquis donc de connaître l’état exact de sa maladie

C’est alors que, par des expériences préparatoires qu’il ne m’appartient pas de dévoiler, j’acquis la certitude : 1° qu’elle comprenait le latin, bien qu’illettrée ; 2° qu’elle avait la double vue, c’est-à-dire qu’elle me racontait ce qui se passait au loin, bien entendu, je faisais contrôler ses réponses ; — 3° que sa force physique était considérable. De cela, tout le monde a été témoin : il fallait plusieurs hommes pour la maintenir dans son lit ; nous nous pendions à son bras, et elle nous portait.

Ces trois caractères indiquent la possession d’un corps humain par les démons, je n’avais plus le droit de douter. Je prévins Mgr de Versailles, et le supérieur du séminaire vint à son tour se renseigner. Il acquit, par des expériences nouvelles, la certitude que je ne m’étais pas trompé. D’accord avec la tradition de l’Église, notre évêque autorisa l’exorcisme.

Le cas que nous avons eu à guérir est rare, c’est vrai, mais surtout par son intensité ; car il ne faudrait pas croire que la possession des gens par les démons ne se rencontre qu’à des intervalles éloignés. Si cette fois on s’en est tant occupé, c’est que l’exorcisme a été pratiqué dans un village, et que qui voulait pouvait assister à nos prières. D’où une publicité que nous n’avons pas cherchée.

D’ordinaire, les possédés se trouvent dans les couvents ou maisons hospitalières. On agit, pour les sauver, de même que nous l’avons fait pour notre malade ; mais cela se sait moins facilement. En un mot, il y a toujours eu, et sans interruption, des possédés.

Quant aux pratiques de l’exorcisme, on les a dénaturées à plaisir. On a dit que nous avions allumé partout des cierges dans la chambre ; nous n’en avons pas allumé un seul.

M. Dumontpallier, le médecin, a dit dans une interview qu’à chaque instant nous prononcions la phrase : Vade retro, Satanas ! Si je l’ai prononcée