Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/959

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ne fait pas l’ombre d’un doute ; ses démons de prédilection sont Astaroth, Ariel et Béhémoth.

Pourtant, elle n’occupe pas dans le haut-palladisme une situation prépondérante, comme Sophie Walder ou même Diana Vaughan ; mais elle n’en est pas moins très recherchée, dans les cénacles mystérieux du L∴ D∴ R∴, attendu que, par elle, les initiés ont souvent des manifestations des plus surprenantes : aussi, Pike, l’a-t-il qualifiée de « médium de premier ordre », — médium luciférien, bien entendu. — Tandis que Sophie représente surtout l’élément actif, recruteur, et Diana, l’opposition, la Ingersoll est un des meilleurs types de l’élément expérimental : elle est un sujet, une véritable pythonisse ; et, comme Eusapia Paladino chez les vocates procédants italiens, on se la dispute, pour les séances d’expérimentation pratique, chez les vocates élus américains. Moins douée cependant que Sophia au point de vue luciférien, non possédée à l’état latent, mais par intermittence et par l’effet des prières sataniques des Mages Élus, la Ingersoll est néanmoins très précieuse aux sectaires. Elle n’est pas capricieuse, elle n’a pas de hautes envolées, pas de maladroites escapades comme l’autre ; si elle n’a pas le génie de l’activité infernale, si elle demeure paisible et ignorée des profanes, elle ne se dérobe pas, par contre, elle se prête à tout, elle répond à tous les appels des chefs de triangles ; elle est, en un mot, un bon sujet de laboratoire, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Les faits consignés par Albert Pike dans sa relation ne prêtent à aucune équivoque. Une personne, qui, à Saint-Louis des États-Unis, donne les plus fraîches nouvelles de quelqu’un à ce moment-là même à Rome, n’est pas une hystérique ; l’hystérie ne permet pas de planer, dans l’espace, au-dessus d’une assemblée ; de voltiger, comme porté par un nuage invisible ; d’avoir ses vêtements brusquement dévorés par une flamme sans foyer, qui enveloppe le corps et ne lui fait aucune brûlure ; de recouvrer, soudain aussi, ses vêtements, renaissant du néant, sous le souffle d’un esprit de forme corporelle, apparaissant tout à coup et disparaissent de même. Tout cela est au-dessus de l’hystérie, n’est pas de l’hystérie. On aura remarqué aussi qu’il n’y a nullement besoin d’avoir recours au sommeil pour amener la Ingersoll à l’état spécial qui lui permet d’accomplir des prodiges ; nulle phase de somnambulisme non plus, dans son cas. Le docte Pike est formel : « Sans endormir notre sœur Ingersoll, écrit-il, nous la pénétrâmes de l’esprit Ariel lui-même ; mais Ariel, s’emparant d’elle, s’adjoignit trois cent vingt-neuf génies du feu. » On a eu le nombre exact au moment de l’expiration, à la fin de l’expérience, et c’est ainsi que les choses se passent dans tous les exorcismes : la seule différence, c’est que, chez le possédé passif, les démons sortent malgré eux et par le