Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/137

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resplendissait d’une vive lumière. Il y avait là un autel, avec cette inscription gravée sur une plaque de cuivre : Vivant, je me suis réservé pour sépulcre cet abrégé de la lumière. Une figure mystérieuse était accompagnée de cette épigraphe : Jamais vide. Une deuxième figure : Le Joug de la Loi. Une troisième : la Liberté de l’Évangile. Une quatrième : la Gloire de Dieu entière. La salle contenait encore des lampes ardentes, qui brûlaient sans qu’on put découvrir une goutte d’huile ; des miroirs, des formes les plus diverses ; des livres, parmi lesquels on remarquait les ouvrages de Paracelse. Enfin, on lisait, écrit en grosses lettres sur le mur : Dans six-vingts ans, je serai découvert. La prédiction s’était réalisée, ajoute la légende, en manière de conclusion.

Dans cette légende de magie et de kabbale, on remarquera que les cent-six ans de vie précédant l’an 1484, donnent exactement l’année de 1378, proclamée heureuse par Lelio Socin ; l’année du grand schisme d’Occident qui déchira si longtemps la papauté ; l’année en laquelle Wiclef, hérésiarque de la plus violente impiété, précurseur de Jean Huss, écrivait, en se réjouissant de voir la chrétienté scindée entre le pape de Rome et le pape d’Avignon, que les peuples ne devaient pas laisser échapper l’occasion qui leur était offerte de rejeter le catholicisme, attaquait la société civile non moins que l’Église, et vomissait contre Dieu lui-même les blasphèmes les plus épouvantables.

Mon père, en m’instruisant, me donnait à admirer Wiclef, en qui il voyait un véritable luciférien. Et Wiclef, comme Thomas Vaughan, était un professeur distingué de l’université d’Oxford ; autre motif pour les unir dans une même sympathie. Wiclef, c’était l’homme hardi qui sans aucun ménagement avait attaqué l’Église catholique, ses usages, ses institutions, sa doctrine, ses droits spirituels et temporels, ses sacrements, son chef ; Wiclef, c’était l’homme dont les prédications et les écrits avait déchaîné cent mille hommes du peuple sous la conduite de John Ball, de Watt-Tyler, le forgeron, et de James Straw, lesquels avaient massacré l’archevêque de Cantorbéry (Simon de Sudbury) sur l’autel même d’Adonaï où il célébrait la messe, et mon père rappelait avec orgueil que notre ancêtre Thomas avait versé le sang d’un autre archevêque de Cantorbéry ; Wiclef, c’était le prophète de la grande révolte antichrétienne, dont s’étaient inspirés les Hussites et ce Jean Ziska, l’un de leurs chefs, tout particulièrement vénéré par les Palladistes, Ziska homme-démon qui saluait les nations au nom de Lucifer !

Voilà, me disait mon père, ce que représente l’an 1378, placé en termes voilés en point de départ de la légende de la Rose-Croix socinienne.