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écoulés depuis la consécration de Fauste, suivie d’une énergique mise en œuvre après le pillage de Cracovie, et parce qu’alors Lucifer avait dit : six-vingt ans. Or, Michel Maïer mourut cinq années après le conventicule de Magdebourg (1622). Valentin Andreæ, qui avait trente-six ans, lui succéda ; toujours ardent, il avait hâte de se signaler. Précédemment, les Rose-Croix s’étaient bornés à faire imprimer et répandre, d’une façon à peu près clandestine, quelques petits livres, en nombre tout à fait restreint. Toutefois, il convient de dire que, pendant la grande-maîtrise de Maïer, le recrutement avait fonctionné à merveille, les adeptes s’étaient multipliés.

En 1623, — quelques auteurs disent à tort en 1625, — un matin, les Parisiens, en se réveillant, trouvèrent les murs de leur ville couverts d’affiches au texte tellement stupéfiant, que quatre-vingt-dix-neuf sur cent crurent à une mystification. Ces affiches, dont le texte est rapporté par un grand nombre d’auteurs de l’époque, étaient ainsi conçues :


« Nous, députés du Collège principal des Frères de la Rose-Croix, faisons séjour visible et invisible en cette ville, par la grâce du Très-Haut, vers lequel se tourne le cœur du juste. Nous montrons et enseignons à parler sans livres ni marques, et nous parlons toutes sortes de langues des pays où nous voulons être, pour tirer les hommes, nos semblables, d’erreur et de mort.

« S’il prend envie à quelqu’un de nous voir, par curiosité seulement, il ne communiquera jamais avec nous ; mais, si la volonté le porte réellement et de fait à s’inscrire sur le registre de notre Confraternité, nous, qui jugeons des pensées, lui ferons voir la vérité de nos promesses ; tellement, que nous ne mettons point le lieu de notre demeure, puisque les pensées, jointes à la volonté réelle du lecteur, seront capables de nous faire connaître à lui et lui à nous. »


Ce fut une moquerie générale ; la Confraternité de la Rose-Croix fut tournée en dérision de toutes manières, par la chanson, par la caricature, et jusque par les bouffons publics, amuseurs du peuple dans les foires. Ce persiflage faisait le jeu des sectaires ; à la suite de ce manifeste, ils surent bien reconnaître, dans les conversations, par les tendances plus ou moins découvertes, ceux qu’ils pouvaient attirer à eux et ceux dont ils devaient se garer ; et, d’autre part, les railleries dont les invisibles initiés étaient criblés empêchaient de considérer leur association comme dangereuse.

Néanmoins, divers religieux éclairés, principalement les Jésuites, ne furent pas dupes. Un certain Henry Neuhous, se disant docteur en médecine et philosophie, de Dantzick, publia à Paris, vers la fin de cette même année 1623, un petit livre assez énigmatique qui traitait la ques-