Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/281

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Oolis. Là, ses maléakhs tiennent encore tête aux anges de lumière, surtout dans l’exercice de leur malfaisante puissance contre les hommes. Le luciférien ne songe donc pas à reprocher à ses esprits aimés de ne pas le défendre assez efficacement ; il se borne à maudire Adonaï et ses mauvais anges et à leur imputer tous les malheurs, toutes les misères, tous les fléaux.

Ce spectacle me déchirait le cœur.

— Après ma mère, murmurai-je avec désolation mêlée de rage, voilà qu’ils me tuent mon père !… Ma mère qui était si bonne !… Ah ! sa maladie, à elle, fut longue et douloureuse !… Mon père que j’aime tant !… C’est trop !…

— C’est Mikaël aussi qui mit votre mère au tombeau, infortunée Diana ! c’est lui qui vous ravit ceux que vous affectionnez le plus, au lieu de leur laisser atteindre une heureuse vieillesse !… Voyez, voyez…

Et son doigt tendu me montrait le tableau lointain, toujours animé ; et je vis enfin mon père rendre le dernier soupir.

Alors, le monstre retira son trident de la poitrine du cadavre et prit son vol dans l’espace, en grimaçant un ricanement sinistre.

Je n’écrirai, certes, point les blasphèmes dont ma douleur, odieusement trompée, accabla le Dieu des chrétiens. Qu’on me plaigne ! J’étais dans le désespoir et dans la plus déplorable erreur…

Et quel redoublement de haine, quand le lendemain le télégraphe m’apporta à son tour la nouvelle de mon deuil !…

Avant de disparaître, l’esprit du feu m’avait dit :

— Aujourd’hui, chère Diana, je puis vous faire connaître mon nom. Je suis Asmodée. Au moindre danger, appelez-moi ; je serai aussitôt là, pour votre défense.

J’étais tant accablée, que je n’eus pas la force de lui répondre.

Donc, j’étais tout-à-fait orpheline ; et les démons m’avaient en leur pouvoir. Mon opinion était faussée par une éducation où, dès le plus bas âge, j’avais reçu, de parents tendrement aimés et trompés eux-mêmes, un enseignement diamétralement contraire à la vérité.

L’eau sainte du baptême n’avait pas coulé sur mon front. Et pourtant le ciel me protégeait ; Dieu, infiniment bon, voulait que je fusse un exemple de son immense miséricorde.