Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/309

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eût une messe comme celle des catholiques, une communion qui m’eût permis de recevoir en moi Jésus !… Elles sont dans l’erreur, ces petites filles catholiques qui communient de Jésus en croyant recevoir un Dieu de bonté, ne pouvant soupçonner l’affreuse vérité ; mais, dans leur erreur, elles sont heureuses, et j’envie leur joie… Moi, je ne pourrai jamais communier de Jésus… Quel malheur ! oh, quel malheur que Jésus ait trahi Notre Seigneur Satan ! »

J’abrège le récit de Philéas Walder. Les passages qui suivent dépeignent son anxiété, ses transes. Il regrette de n’avoir pas appris à Sophia, dès son berceau, la haine de Jésus en même temps qu’il lui donnait Satan à adorer ; il se reproche de s’être borné à lui faire d’Adonaï seul un croquemitaine ; il s’en veut d’avoir négligé de mettre un Christ parmi ses marionnettes à renversement. Il lui avait toujours représenté le Jésus luciférien, tel qu’il est dans la légende d’instruction au grade de Chevalière Élue Palladique, et il ne s’était pas hâté de lui faire connaître la prétendue trahison du Thabor, pensant qu’il en serait toujours temps, escomptant qu’à cette révélation le mépris éclaterait chez la précoce fillette et engendrerait immédiatement une haine sauvage.

Il se disait alors qu’il aurait dû précipiter l’instruction satanique de Sophia ; vraiment, c’était fâcheux qu’elle ne connût pas déjà l’Apadno en entier et qu’on en eût réservé pour plus tard certains chapitres, les plus importants.

Enfin, il se montre soulagé, quand il croit voir la vraie haine poindre. Chambers s’est procuré un « pain adonaïte », une hostie consacrée. Ce jour-là, 22 juillet 1875, on fait à Sophia une lecture de l’Apadno, avec quelques commentaires ; on lui remet ensuite un petit poignard de Kadosch, et on lui livre la divine Eucharistie. Ce fut le premier sacrilège de Mlle Walder.

« Elle se jeta sur le pain adonaïte, raconte le vieux Philéas, et le prit entre ses mains. Nous l’observions avec attention, et jevous assure, très illustre souverain grand-maître, que la chère enfant nous plongea un moment dans l’angoisse.

« Sophia avait une expression indéfinissable. Elle regarda le pain adonaïte pendant de longs instants ; puis, elle colla sur lui ses lèvres, l’embrassa avec une sorte de frénésie, et dit :

« — Jésus, Jésus, je vous aime !… Oh ! pourquoi avez-vous trahi Notre Seigneur Lucifer ? »

« Mais aussitôt, prompte comme l’éclair, elle appliqua sur notre petit autel le pain adonaïte qu’elle venait de baiser, et, farouche, elle le transperça, d’un coup sec, en s’écriant :