Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/310

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« Ah ! sois maudit, traître !… Meurs donc !… Meurs !… Meurs ! »

« L’émotion avait été, pour elle, bien forte ; car, à peine eut-elle frappé, qu’elle tomba à la renverse, défaillante, presque évanouie, et murmurant, tandis que nous la soutenions dans nos bras :

« — Je suis bien malheureuse… Moi qui aurais tant voulu aimer Jésus toujours ! »

« Pour la consoler, nous lui lûmes encore l’Apadno, le chapitre de la Reine de Saba, en lui en expliquant, autant que nous le pouvions, les gloires.

« Tout-à-coup, elle nous interrompit, pour nous dire :

« — Assez, assez… Il m’appelle…

« — Qui ? » demandâmes-nous.

« Son doigt tendu montrait la muraille.

« — Là, disait-elle, il est là… Il m’appelle… Ne le voyez-vous pas ?… Il est dans la chambre à côté. »

« Certainement, nous n’apercevions rien ; mais elle, elle voyait au travers de la cloison.

« — Qui vois-tu ? » demandâmes-nous encore.

« — Lui ! lui !… Je ne sais pas son nom… Il a une tête de léopard et des ailes hérissées d’aiguillons. »

« C’était, sans doute possible, son céleste époux, le très-saint Bitru.

« Elle s’élança vers le mur ; nous crûmes qu’elle allait s’y briser… Elle avait disparu… Nous nous précipitâmes dans la chambre. Sophia était là, étendue sur le lit. Elle dormait. La chambre était pleine d’une odeur de soufre ; mais nous n’en étions nullement incommodés. Nous nous retirâmes, après avoir incliné respectueusement nos têtes vers la chère privilégiée, et nous revînmes à l’oratoire, où nous priâmes longtemps, en remerciant le Dieu-Bon de nous avoir choisis pour être les témoins de ses merveilles et les tuteurs de sa fille bien-aimée. »

Malgré la joie du prodige, malgré la satisfaction éprouvée pour le sacrilège de Sophia, Walder demeura longtemps perplexe. La fillette persistait dans son amour de Jésus.

La scène du 22 juillet s’étant renouvelée plusieurs fois, la jeune profanatrice embrassait toujours l’hostie avant de la transpercer. — Quel était donc l’état d’âme de Sophia ? À ce sujet, Philéas Walder ne dit rien de plus que ce qu’on a lu plus haut. Il laisse seulement entrevoir qu’il craignit que son « parfait modèle de la jeune fille future » renonçât un beau jour aux pratiques sacrilèges. Il eut besoin des consolations de Bitru pour être réconforté.