Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/340

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— Oh ! oui !

— Ne hais-tu pas le Christ, traitre à Baal-Zeboub ?

— Oh oui !

— Ne hais-tu pas les prêtres du Christ ?

— Non, ils sont des hommes ; j’aime l’humanité, j’aime mes frères, même dans leur erreur ; mais, vraiment, je hais le sacerdoce des ministres du Christ.

— Soit ; je t’accorde cela… Mais prends garde, ô ma douce amie, ô mon épouse bien-aimée, si tu franchissais cette limite, tu serais sur une pente fatale, et bientôt tu deviendrais chrétienne… Tu romprais le lien sacré qui nous lie ! Lucifer, notre Dieu Tout-Puissant, briserait la promesse qu’il m’a faite, de te donner la joie de venir en corps et âme au Ciel de Feu et de présider lui-même à notre mariage ! tu cesserais d’être ma fiancée ! tu en perdrais, à l’instant même, le titre qui fait ta gloire et qui fera ton bonheur !

— Oh ! Asmodée ! m’écriai-je en me jetant dans ses bras, jamais je ne deviendrai chrétienne!…

Et je lui demandai pardon, ce jour-là, de lui avoir causé du chagrin par ma témérité à vouloir juger toutes choses.

Il me pardonna. Puis, par un raisonnement qu’aujourd’hui je reconnais diabolique, il s’évertua à me démontrer que la chasteté est immorale par elle-même. Son astucieuse rhétorique de daimon me happait. Je l’écoutais, me disant parfois en moi-même : « Il a raison » et cependant, je me sentais répugner à sa théorie, en ce qui me concernait.

On le voit, je fus bien près de la chute. Je m’en accuse en toute humilité. Et j’en vins jusqu’à essayer de me convaincre ; je me plongeais dans l’examen, à la fausse lumière luciférienne, de cette question du figuier maudit. Il m’arriva même, par moments, de lutter contre mon sentiment ; de concéder, en ma folle tête, que cette avilissante coutume du Pastos n’avait rien d’extraordinaire, dès l’instant qu’une de mes Sœurs voulait bien s’y soumettre ; de me dire : « Après tout, pourquoi m’opposerais-je à cela ? ce n’est point mon affaire, et je n’ai pas à me plaindre, puisque cette pratique m’est tenue cachée. »

Enfin, comme ma répugnance était invincible, je n’hésitai pas, lors de la fondation du Palladisme Indépendant, à exiger la suppression du Pastos dans tout Triangle qui se rallierait au Comité de Londres. Aujourd’hui je me demande comment il se peut qu’Asmodée ne me fit aucune opposition à cette motion ; car, en cela, j’échappais quelque peu à sa domination, somme toute. Sans doute, il espérait reprendre tout son pouvoir sur moi, par l’orgueil. Peut-être Jeanne d’Arc, à qui j’avais voué mon admiration, me protégeait déjà, sans que je pusse le soupçonner ; le fait est que, chaque fois qu’il