Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/356

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C’est là le plan qu’elle avait exposé à Lemmi et pour lequel il l’avait approuvée et félicitée. Elle se vantait, en 1889, de l’avoir mis à exécution ; mais elle ne dit pas à la Sœur, de qui je tiens le renseignement, si elle était parvenue à jeter le doute, en s’y prenant ainsi. Sophia garde le silence sur ses échecs. J’imagine qu’elle a dû perdre son temps. Je sais aussi qu’elle envoie des Sœurs aux prêtres catholiques, sous toutes sortes de prétextes, et ces femmes se donnent pour bonnes chrétiennes, mais simulent attaques de nerfs et le reste. Ce sont des intrigantes et des dissolues. Quant à ce procède de tentation, Mlle  Walder ne l’emploie pas elle-même.

Enfin, voilà où la malheureuse est tombée, par l’effet de son infernale éducation.

Ce fut donc en 1885 que je la vis à Paris. Le Triangle Saint-Jacques venait d’être fondé, l’année précédente ; elle en était la grande-maîtresse.

Mon voyage en France était motivé par des affaires de famille ; je ne puis en dire davantage, ce serait imprudent aujourd’hui ; mon oncle seul sait exactement de quoi il s’agit, et, malgré sa désapprobation de ma conversion, il m’aime trop pour trahir ce secret de famille, qui ne me ferait peut-être pas découvrir, mais qui certainement paralyserait un de mes meilleurs moyens de communication hors de ma retraite.

Je n’avais aucune raison de cacher mon passage à Paris à l’une de mes Sœurs palladistes, qui était d’origine américaine. Justement, elle appartenait au Triangle Saint-Jacques. Elle vint me voir et me fit un grand éloge de Sophia. Je fus sollicitée. « Pourquoi ne recevrais-tu pas chez nous l’initiation de Maîtresse Templière ? » me dit mon amie. On connaissait la poésie si violemment antiadonaïte que j’avais composée le lendemain de ma réception au grade d’Élue Palladique ; l’avis général était que je n’avais rien à apprendre.

J’aurais préféré, sans doute, être initiée Maîtresse Templière chez les Onze-Sept ; mais on insista tant et tant, on flatta si bien ma vanité, en invoquant le grand honneur pour le Triangle parisien etc., que j’acceptai sans me faire trop prier. Il est bon de dire que, dans la Haute-Maçonnerie, les initiations peuvent se donner n’importe où, quand il s’agit de monter en grade ; dans la Maçonnerie ordinaire, au contraire, le même cas serait tout à fait exceptionnel : là, on reste inscrit à l’Atelier où l’on a reçu tel grade, sauf à permuter ensuite. En prévision de l’éventualité, j’avais toujours, parmi mes papiers emportés en voyage, un document sous une enveloppe fermée, qui m’avait été remise sans explications par le successeur de mon père à la présidence du Triangle de Louisville : j’ignorais quel sujet ce document traitait ; je savais seulement que je devais le remettre à la grande-maîtresse ou au grand-maître du Triangle qui aurait à m’initier Maîtresse Templière et que