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Le journal, malgré les poursuites continuelles dont il était l’objet, et peut-être à cause d’elles, avait du succès. Il tira jusqu’à 15,000 exemplaires ; ce qui est beaucoup pour une feuille hebdomadaire de province, à 10 centimes. Les bénéfices de la vente nous aidaient à vivoter, mes collaborateurs et moi.

Quant aux éphémérides de l’Égalité, j’avais été obligé de les cesser.

Ma biographie de Robespierre avait effrayé les directeurs du journal, qui, pourtant, étaient radicaux. Celle de Marat fut refusée comme par trop compromettante.

Elle contenait des passages dans le style que voici :


« C’est à la classe plébéienne que je m’adresse, à cette classe si injustement méprisée par l’aristocratie orgueilleuse… Je ne le cache pas, j’aime ces hommes qui envahissaient la Convention pour proclamer l’innocence de Marat, et ces femmes courageuses qui, sous la conduite de la Théroigne de Méricourt, allaient jusqu’à Versailles chercher le despote Capet. J’aime cette foule qui, enflammée par l’éloquence de Desmoulins, couvrait son front d’un vert feuillage et renversait le monument de la tyrannie. J’aime cette populace active qui, tantôt, groupée autour du drapeau de la patrie, courait repousser l’étranger en chantant la Marseillaise, et tantôt se pressait autour d’un échafaud pour voir couler le sang des nobles et des prêtres au refrain du Ça ira ! »