Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/107

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gagnait sur chaque paire trente kopeks. Il achetait des coupes de bois, prêtait de l’argent et était, au total, un vieil homme entreprenant.

Il avait deux fils. L’aîné, Anîssime, servait dans la police, à la section des recherches, et venait rarement. Le plus jeune, Stépane, avait pris la voie commerciale et aidait son père, mais on n’attendait pas de lui une aide effective, car il était sourd et faible de santé. Sa femme, Akssînia, belle et svelte, qui portait les jours de fête chapeau et ombrelle, se levait tôt, se couchait tard, et courait tout le jour les jupons retroussés, faisant sonner des clés, dans la grange, dans la cave ou dans la boutique. Tsyboûkine la regardait avec joie ; ses yeux brillaient et il regrettait que ce ne fût pas son fils aîné qui l’eût épousée, au lieu du plus jeune, le sourd, qui, visiblement, s’entendait peu en beauté féminine.

Le vieillard avait toujours été enclin à la vie de famille et il aimait sa famille plus que tout au monde, son fils aîné le policier surtout, et sa belle-fille. Akssînia, à peine mariée, avait montré une activité extraordinaire et avait su tout de suite à qui on pouvait faire crédit et à qui il ne le fallait pas. Elle tenait les clés et ne les confiait même pas à son mari ; elle faisait claquer le boulier, regardait comme un paysan les dents des chevaux, et ne faisait que rire et que crier. Quoi qu’elle fît ou qu’elle dît, son beau-père s’attendrissait et murmurait :