Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/113

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écrites d’une écriture autre que la sienne, et très belle. Chaque lettre était écrite sur une feuille de papier écolier et à la manière d’une supplique. Les lettres étaient pleines d’expressions qu’Anîssime n’employait jamais en parlant : « Mes chers papa et maman, je vous envoie une livre de thé parfumé pour la satisfaction de vos besoins physiques. »

Au bas de chaque lettre était griffonné, comme avec une plume cassée : « Anîssime Tsyboûkine », et au-dessous, de la même magnifique écriture que le reste de la lettre : « Agent. »

On lisait ses lettres plusieurs fois, et le père, rouge d’émotion, disait :

– Voilà ! il n’a pas voulu vivre ici ; il est entré dans la voie de l’instruction. Eh bien ! laissons-le faire ; chacun est marqué pour quelque chose.

Un peu avant le carnaval, il y eut une forte pluie avec des grêlons. Le vieux et Varvâra se mirent à la fenêtre pour regarder, et tout à coup ils virent Anîssime arriver de la station dans un traîneau. On ne l’attendait pas du tout. Il entra comme inquiet et agité, et il demeura ainsi tout le temps ; il avait on ne sait quel air dégagé. Il ne se pressait pas de repartir et il semblait qu’on l’eût congédié. Varvâra, contente de sa venue, le regardait d’un air fin, soupirait, en remuant la tête :

– Qu’y a-t-il donc, mon ami ? disait-elle. Le