Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/116

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mais on pouvait la marier parce qu’elle avait l’âge. En fait elle était gentille, et une seule chose en elle pouvait ne pas plaire : de grandes mains d’homme qui, maintenant oisives, pendaient pareilles à de longues pinces.

– Elle n’a pas de dot, mais nous n’y faisons pas attention, dit Tsyboûkine à la tante. Pour notre fils Stépane nous avons pris aussi une femme dans une pauvre famille, et nous ne faisons que nous en louer ; soit à la maison, soit pour les affaires, elle est très adroite.

Lîpa était debout près de la porte et avait l’air de dire : « Faites de moi ce que vous voudrez ; je me fie à vous. » Sa mère Prascôvia, la journalière, était cachée dans la cuisine et mourait de honte. Un jour, dans sa jeunesse, un marchand chez qui elle lavait le parquet l’avait trépignée dans un accès de colère ; elle avait eu une peur violente, et l’effroi était demeuré dans son âme pour toute sa vie. D’effroi ses pieds et ses mains tremblaient sans cesse et ses joues tremblaient. Assise dans la cuisine, elle tâchait d’écouter ce que disaient les Tsyboûkine et se signait continuellement, appuyant les doigts sur son front et regardant l’Image. Anîssime, un peu ivre, ouvrit la porte de la cuisine et lui dit d’un ton dégagé :

– Pourquoi donc restez-vous là, chère petite maman ? nous nous ennuyons sans vous.