Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/127

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buvait de l’eau-de-vie anglaise. Quand il fut ivre, il se mit à dire à sa tante, assise en face de lui :

– J’ai un ami qui s’appelle Samorôdov. C’est un homme particulier. Il est bourgeois honoraire [1] et peut parler. Mais cependant, ma petite tante, je vois comme au travers de lui ; et il le sent. Permettez-moi de boire avec vous à la santé de Samorôdov, ma petite tante.

Varvâra tournait autour de la table, invitant les convives, exténuée, l’air égaré, et contente apparemment qu’il y eût tant de plats à manger, que tout fût si riche et que personne ne pût trouver à redire. Le soleil se coucha, le repas durait encore. On ne se rendait pas compte de ce qu’on mangeait et de ce qu’on buvait. On ne pouvait pas bien discerner ce qu’on disait. De temps à autre seulement, quand la musique se taisait, on entendait quelque femme crier :

– Vous avez sucé notre sang, hérodes ; ne crèverez-vous pas ?

Le soir il y eut des danses avec de la musique. Les Khrymine jeunes arrivèrent, apportant de leur eau-de-vie, et l’un d’eux, quand il dansait un quadrille, en tenait dans chaque main une bouteille, tandis qu’il avait dans la bouche un petit verre. Cela faisait rire tout le monde. Entre les quadrilles,

  1. Un des derniers tchins de la table des rangs. (T.)