Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/130

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IV

Au bout de cinq jours, Anîssime, se disposant à partir, monta chez Varvâra lui dire adieu. Elle tricotait un bas de laine rouge, assise près de la fenêtre ; toutes ses veilleuses brûlaient devant les images et on sentait dans sa chambre une odeur d’encens.

– Tu restes bien peu de temps avec nous, lui dit-elle. Tu commences à t’ennuyer, bien sûr ? Ah la la la la !… Nous vivons bien, il y a de tout chez nous en abondance, et ton mariage s’est bien passé. Ton père dit qu’il a coûté deux mille roubles. Nous vivons, en un mot, comme des marchands. Seulement on s’ennuie chez nous ! Nous offensons trop le monde. Mon cœur en souffre, mon ami. Comme nous l’offensons, ah ! mon Dieu ! Échangeons-nous un cheval ; achetons-nous quelque chose ; louons-nous un ouvrier, nous trompons en tout ; tromperie et tromperie. L’huile de chènevis que nous vendons est aigre, gâtée ; il y a des gens chez qui le goudron de bouleau est meilleur. Dis-moi, je t’en prie, ne pourrait-on pas vendre de bonne huile ?

– Chacun est marqué pour quelque chose, maman.