Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/149

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quelque seigneur d’écrire aux autorités en chef… Du moins si on le laissait libre jusqu’au jugement !… Pourquoi fatiguer ce garçon ?

Elle aussi était affligée ; pourtant elle engraissait et devenait plus blanche. Elle allumait toujours des veilleuses dans sa chambre, regardait à ce que tout dans la maison fût propre, et elle invitait ceux qui venaient à manger des confitures et de la pâte aux pommes. Le sourd et sa femme trafiquaient dans la boutique. Une nouvelle affaire était entreprise : une tuilerie à Boutiôkino, et Akssînia y allait presque chaque jour en tarantass. Elle conduisait elle-même, et quand elle rencontrait quelqu’un de connaissance, elle tendait le cou, comme un serpent dans le jeune seigle, et souriait de son air naïf et énigmatique. Lîpa jouait sans cesse avec l’enfant qui lui était né avant le carême. C’était un tout petit enfantelet, maigre, qui faisait pitié, et il semblait étrange qu’il criât, regardât, qu’on le comptât pour un être humain, et qu’il s’appelât Nikîphore. Quand il était couché dans son berceau, Lîpa s’éloignait vers la porte et lui disait, en s’inclinant :

– Bonjour, Nikîphore Anîssimytch.

Puis elle courait de toute sa force l’embrasser. Elle retournait vers la porte, saluait et recommençait. Il levait en l’air ses petites jambes rouges, et ses pleurs et ses rires se mêlaient comme