Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/214

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et ses pantalons de toile mince se déchirèrent ; la semelle d’un de ses souliers se détacha.

– Tss ! fit-il, ôtant son soulier et laissant voir son pied nu. Désagréable !… C’est, voyez-vous, une de ces occurrences… Oui !

Tournant son soulier en tous sens comme s’il n’eût pu se persuader que la semelle en était finie à jamais, il se renfrogna maintes fois, soupira et maugréa. J’avais dans ma valise des souliers un peu défraîchis, mais à la mode, à bouts pointus et à lacets. Je les prenais à tout hasard avec moi, mais je ne les mettais que les jours de pluie. Rentré dans notre chambre je préparai la phrase la plus diplomatique et les proposai à Alexandre Ivânytch. Il les accepta et me dit gravement :

– Je vous en remercierais, mais je sais que vous tenez les remerciements pour un préjugé.

Les bouts pointus et les lacets le réjouirent comme un enfant et, tout de suite, lui firent changer ses projets.

– Maintenant, je n’irai plus à Novotcherkâssk dans deux semaines, mais dans une semaine, décida-t-il. Avec de pareilles chaussures, je n’aurai plus honte pour paraître devant mon parrain. À vrai dire, je ne partais pas d’ici parce que je n’avais pas d’habits convenables…

Lorsque le cocher vint prendre ma valise, un frère convers, à bonne face rieuse, entra pour