Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/222

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Sa femme ne l’avait pas trompé : sur le seuil de son isba, il vit le capitaine Ourtchâïév, secrétaire du chef de recrutement.

– Où étais-tu à rôder ? lui demanda le capitaine. Voilà une heure que j’attends. Peux-tu me faire un uniforme ?

– Seigneur !… se mit à marmotter Merkoûlov, s’engouant et arrachant son chapeau de sa tête en même temps qu’une touffe de cheveux. Croyez-vous, Votre Noblesse, que ce sera le premier ? Ah ! Seigneur… J’ai habillé le baron Sputzel, Édouard Kârlytch. M. le lieutenant Zémboulâtov me doit encore six roubles… Ah, femme, donne vite un siège à Sa Noblesse ; Dieu me punisse !… M’ordonnez-vous de prendre mesure ou me permettez-vous de vous habiller à simple vue ?

– Allons, bien. Tu fourniras le drap et ce sera prêt dans une semaine ; combien prendras-tu ?

– De grâce, Votre Noblesse, que pensez-vous ? fit en souriant Merkoûlov. Je ne suis pas un marchand. Nous savons comment on se comporte avec les seigneurs ! Même quand nous avons habillé le consul de Perse, ç’a été sans un mot…

Les mesures prises, ayant reconduit le capitaine, le tailleur demeura toute une heure planté dans son isba, regardant sa femme avec hébétude. Il n’y pouvait pas croire…

– En voilà une aventure, dites-moi un peu !